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En vingt-quatre ans de présence dans l’Inde et malgré les hautes fonctions qu’il avait remplies avec talent, il n’avait que le grade de lieutenant-colonel dans l’armée. Aussi, de retour à son poste de Mysore, il ne songeait plus qu’à compléter le temps de service exigé pour obtenir la retraite et revenir ensuite en Europe. Des incidens imprévus vinrent changer le cours de ses idées. À peine était-il installé de nouveau à la résidence de Mysore, qu’il épousa la fille du colonel Campbell, officier de l’armée de Madras, et peu de temps après ce mariage il s’embarquait pour une nouvelle mission en Perse.

Au milieu des guerres du premier empire, le gouvernement britannique ne négligeait pas les affaires de ses possessions d’outre-mer, surtout lorsqu’elles touchaient au grand conflit européen. Rapprochés par la paix de Tilsitt, Napoléon et l’empereur Alexandre avaient parlé, entre autres plans de conquêtes, d’une vaste expédition par terre contre les domaines de la compagnie des Indes, et la Perse devait en être la base d’opérations. Ce projet fut-il jamais sérieusement discuté ? On l’eût qualifié de chimérique, s’il n’eût été réalisé jadis par Alexandre le Grand. Cependant le général Gardanne était parti pour la Perse avec une mission confidentielle. Le cabinet anglais eut peur tout au moins des embarras que la France pouvait lui susciter de ce côté, et il résolut d’en contrecarrer par avance l’exécution en s’attachant la Perse par une alliance plus étroite. Dès que l’envoi d’une ambassade fut décidé, le futur duc de Wellington, dont les talens militaires étaient déjà prisés très haut en Angleterre, fit valoir avec instance les titres de son ami à être chargé de cette mission. « Le gouvernement veut envoyer une ambassade en Perse, écrivait-il de Londres à Malcolm ; je vous ai recommandé comme le seul homme à qui cette mission convînt. » Recommandation inutile, car ce fut sir Harford Jones qui obtint cette ambassade. Sir Arthur Wellesley disait avec amertume dans une autre lettre : « Quant aux affaires de l’Inde, on m’en parle à peine. Si j’avais servi dans l’Amérique du Nord, on me consulterait peut-être sur ce qu’il convient de faire en Asie ; mais en l’état actuel des choses je suis hors de question. » Sir Harford Jones, à qui la route directe de Saint-Pétersbourg était fermée par la guerre, ne pouvait se rendre dans l’Asie occidentale que par la voie très détournée du cap de Bonne-Espérance et du Golfe-Persique ; son départ en fut retardé. En même temps lord Minto, agissant dans la plénitude des pouvoirs que les actes du parlement conféraient au gouverneur-général de l’Inde, jugeait opportun de son côté d’envoyer Malcolm en Perse avec des instructions qui avaient un caractère tout à la fois militaire et diplomatique. Il est à croire que lord