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la prétention de diriger de Londres le gouvernement de Calcutta ne se laissait pas volontiers entraîner à des guerres au bout desquelles il n’y avait en perspective qu’une perte d’hommes et d’argent. Le fougueux gouverneur-général n’était pas homme à s’arrêter devant ces obstacles. Une souscription publique, à laquelle Européens et natifs prirent également part, fournit les fonds nécessaires pour entrer en campagne, et bientôt une armée considérable, sous les ordres du général Harris, se mit en marche contre Tippou-Sahib. Le plan des opérations était d’envahir l’état de Mysore et d’enlever de vive force Seringapatam, capitale du sultan. Les troupes du Nizam appuyaient l’armée anglaise, Malcolm les accompagnait comme agent politique ; en réalité, il en avait presque le commandement militaire. À ses côtés marchaient aussi les cipayes de la compagnie. Cependant toutes ces troupes indigènes n’inspiraient qu’une médiocre confiance ; aussi avait-on pris le parti de leur adjoindre un régiment européen. Le colonel de ce régiment était le frère du gouverneur-général, Arthur Wellesley, qui devint célèbre plus tard sous le nom de duc de Wellington. Une étroite amitié s’établit durant cette campagne entre Malcolm et le jeune colonel, amitié que l’éloignement et la brillante carrière de ce dernier n’interrompirent jamais.

La guerre fut courte et heureuse. Après une marche pénible de quatre ou cinq semaines, l’armée anglaise culbutait à Malvilly les troupes du rajah, qui avaient eu l’audace de l’attaquer en rase campagne, et arrivait devant Seringapatam. Elle avait perdu quantité de bêtes de somme ; les attelages avaient fait défaut. Toutefois l’artillerie, encore nombreuse et bien pourvue, n’eut pas de peine à faire brèche dans la vieille citadelle de Tippou-Sahib. Le 4 mai 1799, la ville fut emportée d’assaut ; le sultan périt dans la mêlée. Le royaume de Mysore, enjeu de cette guerre, était entre les mains des Anglais. Ce jour-là, la puissance musulmane qui limitait depuis trente ans les progrès de la compagnie s’écroula tout entière. On n’aurait point osé dans ce temps annexer des royaumes comme on le fit un demi-siècle après. Lord Wellesley se contenta d’adjoindre aux domaines de la compagnie une province de l’état de Mysore. Il en distribua des portions à ses alliés du moment, le Nizam et les princes mahrattes, que l’on devait dépouiller un peu plus tard. Le reste fut érigé en un nouvel état pour un descendant des anciens rajahs du pays, un enfant incapable de porter ombrage à de puissans voisins.

Les événemens qui précédèrent ce grand fait d’armes et les conventions diplomatiques qui furent ensuite conclues pour en assurer les résultats avaient mis en lumière les aptitudes du capitaine Mal-