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stances de ses amis, il se résigna, non sans regrets, à s’embarquer pour l’Angleterre.

Lorsque Malcolm revint à Madras à l’expiration du congé qu’il venait de prendre, ce fut en qualité d’aide-de-camp du commandant militaire de la présidence. Ces fonctions d’état-major, quoiqu’elles le fissent sortir de la route vulgaire à laquelle il semblait destiné au début, n’étaient pas de nature à le satisfaire. Le service politique était plus que jamais l’objet de ses désirs. Il y rentra d’une façon inespérée. En 1798, lord Wellesley, qui venait d’être nommé gouverneur-général de l’Inde, touchait à Madras en se rendant au siège de son gouvernement. Le jeune aide-de-camp lui plut, et, après s’être assuré qu’il connaissait bien les affaires du Deccan, il ne tarda pas à le nommer adjoint au résident près la cour du Nizam, à Hyderabad. On sait quel rôle jouèrent plus tard les résidens de la compagnie chez les souverains indigènes ; tuteurs officieux des monarques dont les Anglais s’efforçaient de régénérer le pouvoir avant d’en hériter, ils accaparaient tout ou partie de la puissance royale, et ne laissaient au véritable souverain que les insignes de la royauté. Au temps dont nous parlons ici, les résidens n’étaient pas encore des maires du palais ; ils étaient restés diplomates, et leur tâche était d’autant plus délicate qu’ils se trouvaient face à face avec d’autres influences européennes. Les Français étaient en bonne position à Hyderabad ; plusieurs de nos compatriotes avaient discipliné et commandaient les troupes du Nizam. Ils avaient créé des manufactures d’armes, des fonderies de canons ; les soldats portaient la cocarde tricolore et le bonnet phrygien, de même que vingt ans plus tard les cipayes du royaume de Lahore arborèrent les aigles et les couleurs de l’empire. A la veille d’entreprendre une campagne décisive contre le redoutable sultan de Mysore, lord Wellesley ne voyait pas sans inquiétude les Français dominer dans la principale cité du Deccan. Il résolut donc d’en expulser d’abord ces ennemis de son pays, et il n’y réussit que trop bien. Les cipayes disciplinés à l’européenne furent licenciés ; les officiers qui les avaient instruits furent expulsés. Malcolm prit part aux négociations occultes qui précédèrent ce coup d’état. Dès son entrée dans la vie, il manifestait ces tristes sentimens de haine contre la France que partagèrent à l’aveugle tant de ses contemporains.

Lord Wellesley allait inaugurer dans l’Inde cette politique de conquête et d’agrandissement que ses successeurs s’entendirent si bien à continuer. Les Français une fois écartés, les états indigènes restaient seuls en présence de l’Angleterre. Le trésor de la compagnie était vide, il est vrai, et la corporation de marchands qui avait