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qui est datée de Martigny le 27 septembre 1815, je retrouve une mention de Camille avec le vœu que formait pour lui alors sa généreuse amie :


« Parlez de moi, je vous prie, à Camille Jordan. Il m’a bien négligée depuis un an, mais je crois encore que nous nous entendons sur tout. Il pourra faire un grand bien et jouer un beau rôle dans la chambre peu libérale où il va se trouver. Dites-moi s’il est disposé à faire pour la liberté ce qu’il fit contre l’injustice. »


Camille y était tout disposé, si bien que ce mot de Mme de Staël renferme le programme et offre comme le résumé de toute sa vie publique. Ce que lui et son ami Royer-Collard avaient tenté avant fructidor pour la réintégration de la justice dans les lois, ils le tentèrent après 1815 pour le maintien et l’accroissement de la liberté dans les institutions ; mais Camille, encore une fois, ne fut point de cette première chambre, comme le supposait Mme de Staël, et Royer-Collard était déjà sur la brèche et en pleine lutte, que Camille attendait encore son moment.

Aussitôt revenue de ce voyage d’Italie où elle avait assisté au mariage de sa fille, la duchesse de Broglie, Mme de Staël refaisait appel à Camille et lui demandait raison de ses lenteurs :


« Dites-moi pourquoi vous ne me donnez pas signe de vie, cher Camille, depuis un mois que je suis ici. — Je retourne le 10 du mois prochain à Paris. — Que faites-vous ? où serez-vous ? Nous donnez-vous l’hiver ? Enfin il est triste de vous aimer et de ne pas causer avec vous. — Vingt fois je me dis : Comment pense Camille ? que dit-il ? que fait-il ? Mais je saurais mieux tout ce que je suppose, si je vous voyais. — Mes complimens à madame Camille.

« Ce 20 août (1816), Coppet. »


Le retour à Paris annoncé comme prochain fut retardé par l’état de santé de M. de Rocca, et c’est de Coppet encore que, sur la nouvelle de son élection, Mme de Staël écrivait à Camille en l’exhortant vivement de reprendre la vie politique comme elle l’avait précédemment convié à la gloire littéraire :


« Coppet, ce 12 septembre 1816.

« Je vous prie, mon cher Camille, au nom de la France et de vous, d’accepter la place de député et d’y consacrer toute votre éloquence. Jamais le pouvoir des individus n’a été plus grand qu’à présent, et c’est peut-être la seule fois depuis 1789 où les hommes puissent créer les