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pable de rehausser un peu le mérite de ceux qui ne doivent la seconde place qu’à leurs œuvres et à leurs talens.


I.

Sir John Malcolm sera dans cette galerie le représentant des premiers temps de la conquête. Il était d’origine bien modeste. Dans le comté de Dumfries, en Écosse, vivait au siècle dernier un fermier qui eut quatre fils. L’aîné fut admis dans le service civil de la compagnie des Indes ; le second reçut une commission dans les équipages de la flotte ; le troisième s’engagea dans la marine royale et y devint l’amiral sir Pulteny Malcolm ; le quatrième enfin, celui dont nous allons raconter l’histoire, obtint un grade dans l’armée de la compagnie grâce à la protection d’un oncle qui avait quelque intérêt dans la « maison. » Au mois d’avril 1783, il arrivait à Madras, n’ayant pas encore tout à fait quatorze ans. Son éducation avait été un peu négligée ; mais il était plein d’ardeur et d’intelligence, de vaillance et de santé. Une ferme application au travail devait combler plus tard les lacunes d’instruction des premières années.

Au moment où le jeune officier mettait le pied en Asie pour la première fois, l’Inde était en proie à la guerre. Les Français et les Anglais se disputaient la possession du Deccan, et le rajah de Mysore, le fameux Tippou-Sahib, se défendait avec vigueur contre les empiétemens de la puissante compagnie anglaisé. John Malcolm n’était pas d’âge à prendre une part active aux opérations militaires. C’était un principe de l’honorable compagnie des Indes de ne recruter le personnel de son armée et de son administration civile qu’avec de très jeunes gens, parce qu’elle pensait avec raison que des adolescens s’acclimateraient plus vite aux chaleurs redoutables du climat tropical, et montreraient plus d’aptitude à s’assimiler les mœurs et le langage des populations indigènes ; mais par compensation elle avait aussi la prudence. de ne pas soumettre ces recrues imberbes au rude régime des camps dès leur arrivée en Asie. Après quelques années de vie de garnison, pendant lesquelles il s’abandonnait un peu trop, dit-on, aux plaisirs de son âgé, Malcolm eut enfin l’occasion de faire ses premières armes. C’était contre Tippou-Sahib, qui tenait tête encore à la politique absorbante de l’Angleterre. Malcolm avait alors vingt et un ans ; il était grand, vigoureux, en pleine possession de ses facultés, d’une remarquable pétulance et d’un caractère ouvert et généreux qui lui valait de nombreuses sympathies. La guerre lui plaisait, les