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vous m’a fait douter de son estime, Dieu m’a fait la grâce de penser que je donnais un noble exemple à mon siècle. — Adieu. Peut-être vous reverrai-je en passant ; quoi qu’il en soit, je suis sûre que vous me rendrez justice. C’est dans ma conscience que je cherche votre opinion. — Adieu.

« Schlegel m’est rendu.

« Auguste se rappelle à votre souvenir. »


« Ce 15 février (1812 ?).

« Cher Camille, aucune course ne peut m’empêcher d’être ici le jour que vous me désignerez. Ce sera une telle émotion pour moi et les miens que vous voir ! — Je vous remercie des renseignemens que vous m’avez envoyés ; mais vous avez ôte. le nom de l’homme, de manière qu’il est impossible de lui écrire directement. — Croyez-vous que Mme Lyonne de Royer ait vraiment envie de venir ici ? C’est par discrétion que je n’ai pas continué à l’en prier ; dites-le-lui. — Notre jeune peintre est dans les montagnes. Son grand-père trouvait bien mal qu’il se fît persécuter chez lui. — On me mande de Paris que Degérando est mécontent d’une réponse de moi qu’il a reçue à Rome. Peut-on écrire sans froideur à quelqu’un qu’on a vraiment aimé ? Enfin le grand fleuve passera sur tout cela, j’espère. Mais vous, mais vous, ne m’oubliez jamais, car je vous aime jusqu’au fond de l’âme, et c’est de moi dont je douterais et non pas de vous, si vous étiez mal pour moi. — Tout ce qui m’entoure vous aime et vous admire. Apportez ce morceau sur Klopstock, nous le lirons. — Cela se peut-il qu’il n’y ait plus ni sentimens ni pensées ? — Adieu. »


Il ressort de ces lettres que Mme de Staël croyait avoir à se plaindre de quelques-uns de ses amis. Dans la disgrâce évidente où elle était, elle se voyait comme une pestiférée dont on craignait de s’approcher, et en effet elle eut à s’apercevoir trop visiblement de plus d’une de ces peurs subites, déguisées en mal de poitrine. Degérando en particulier n’était plus l’homme du 18 fructidor, celui qui se risquait généreusement pour un ami ; le bon était resté bon, mais il était devenu timide à l’égard des puissances,.et Mraa de Staël, en raison précisément de leur liaison étroite, avait pu lui en vouloir plus qu’à un autre et le lui reprocher. Voici encore une lettre d’elle qui est d’une date antérieure et qui a dû précéder le voyage de Degérando à Rome, où il était en mission ; elle l’y raille agréablement, et elle dit même de lui et sur sa philanthropie un peu banale le mot décisif. Cette lettre renferme d’ailleurs quelques obscurités que je ne me flatte pas d’éclaircir :


« Genève, ce 16 janvier (1810 ?).

« Je ne fais jamais rien de ce que je veux, et je me suis trouvée