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d’affirmer que « le principal soin du gouvernement impérial était et serait toujours de travailler à la félicité et à la tranquillité de tous ses sujets, et que c’était à quoi il s’occupait continuellement. » D’ailleurs les Crétois, ajoutait-il, étaient moins surchargés d’impôts que les autres sujets du sultan. Pour ce qui est des routes, des écoles, les améliorations ne pouvaient s’exécuter que graduellement, et les pétitionnaires s’étaient donné le tort de n’avoir pas présenté leurs réclamations d’une manière convenable. Une des conditions auxquelles les Grecs tenaient le plus, c’était une pleine et entière amnistie accordée à tous ceux qui avaient pris part au mouvement ; dans leur pensée, cette amnistie, consignée dans une pièce officielle, se serait trouvée placée sous la garantie morale des agens chrétiens. Les chefs grecs avaient le droit de trouver que la phrase où en était contenue la promesse manquait de précision. « Si les personnes réunies en ce moment se soumettent, donnent des garanties par écrit de leur obéissance dans l’avenir, et si chacun retourne chez soi et reprend ses travaux, tout sera oublié ; si cependant elles ont des réclamations à adresser au gouvernement local, qu’elles les fassent connaître maintenant d’une façon convenable et humble. Faites-leur aussi savoir que, si elles persistent dans leur conduite irrégulière, elles seront dispersées par la force et sévèrement punies. » Ce qu’il y avait de plus clair là dedans, c’était la menace finale. Quant à l’invitation adressée aux Crétois de ne plus se plaindre qu’à demi-voix, d’un ton modeste, est-il rien de plus naïf ? En Occident comme en Orient, a-t-on jamais vu les abus céder à des remontrances discrètes ?

Dès le lendemain du jour où avait été affichée la proclamation, le comité crétois y répondait ; il faisait ressortir tout ce qu’avait d’insuffisant et d’inquiétant la réponse de la Porte, tout ce qu’elle contenait d’assertions dédaigneusement inexactes et d’évident mauvais vouloir. En même temps le comité adressait aux Crétois une proclamation qui ressemblait fort à un appel aux armes. S’il protestait encore que le peuple crétois « était entièrement dévoué à son auguste souverain le sultan Abd-ul-Aziz-Khan, » il déclarait « abolie l’autorité du gouverneur-général Ismaïl-Pacha et de tous ses agens et subordonnés, tant musulmans que chrétiens, sans exception. » La proclamation contenait aussi des phrases comme celles-ci : « Nous invitons le brave et noble peuple de Crète à prendre en main la défense de ses propres droits… Prends donc, brave peuple, la défense de ton pays et dirige toi-même son administration. Implore la protection et le concours des hautes puissances et remets ton sort à Dieu et à ta valeur. » L’appel à l’intervention des trois grandes puissances protectrices, la Russie, l’Angleterre et