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demander que l’agriculture, sur qui pèse surtout le fardeau de la dîme, reçût d’efficaces encouragemens. Dans leur pétition, ils signalent les pertes que subissent les propriétaires d’oliviers ; force leur est, pour obtenir des avances, de vendre leur récolte par anticipation. Les fruits manquent-ils dans leur canton, il leur faut, pour satisfaire à leurs engagemens, acheter des olives qui leur coûtent plus cher qu’on ne leur paie celles qu’ils ont promises ; les arbres au contraire sont-ils chargés de fruits, ils sont encore dupes, parce que les prix auxquels ils ont consenti le marché sont très inférieurs à ceux qu’atteignent les olives au moment où les acheteurs se les disputent. Parmi les améliorations promises par le fameux hat de 1856 se trouvait la fondation d’établissemens de crédit foncier. C’est en rappelant cette promesse que les Crétois réclamaient l’institution d’une banque agricole, qui ferait à un taux d’intérêt modéré des avances garanties par la terre et par les récoltes ; mais n’y avait-il pas quelque naïveté à croire que le sultan, qui n’a jamais d’argent que pour les choses inutiles, pourrait songer à faire en faveur de la Crète ce que la France a fait généreusement pour la Grèce en 1842, quand il s’est agi de la doter d’une banque nationale ?

Parmi les griefs sur lesquels insistent le plus les Crétois, il faut remarquer ce qu’ils disent des conseils que devait former l’élection et de la manière dont les tribunaux rendent la justice. Ils ont bien, avouent-ils, sous divers noms, démogéronties, éphories, medjilis, ces conseils de canton, d’arrondissement, de province, que leur avait octroyés le firman de 1858, et que forment en tout ou en partie leurs coreligionnaires ; mais le mode d’élection n’a jamais été réglé. Ceux qui une première fois se sont emparés de ces fonctions de délégués plutôt qu’ils ne les ont reçues d’un libre choix s’y perpétuent avec l’appui d’un pouvoir dont ils se sont faits les complaisans. Sûrs de ne point rendre de compte à ceux dont ils sont censés les mandataires, ils exploitent effrontément leur situation officielle ; ils se garderaient bien de protester contre des abus dont ils sont les premiers à profiter. Dans les tribunaux, ces primats grecs s’entendent avec les fonctionnaires turcs ; qu’il s’agisse de contentieux administratif, de procès civils ou criminels, ils vendent la justice à belles piastres sonnantes. Se prévaloir d’une loi pour réclamer contre une sentence injuste serait chose impossible. En dehors de notre code commercial, que doivent appliquer les tribunaux de commerce, institution récente qui rend déjà des services, en dehors de quelques lois pénales promulguées sous le dernier sultan, il n’y a encore en Turquie d’autre code que le Coran. C’est donc d’après l’équité, d’après les coutumes locales, d’après des règlemens édictés en divers temps par des autorités