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s’assurer de l’adhésion du prince de Schwarzenberg aux ouvertures faites par M. Floret, sans éveiller toutefois l’attention du monde diplomatique, ni surtout les ombrages de la Russie, M. le duc de Bassano avait fait choix d’un intermédiaire aussi ingénieux qu’actif, M. le comte Alexandre de Laborde. M. de Laborde, alors maître des requêtes au conseil d’état, avait durant l’émigration servi avec distinction dans l’armée autrichienne. Il s’était fait aimer dans les salons aristocratiques de Vienne ; il fréquentait habituellement non-seulement l’ambassadeur lui-même, mais tous les jeunes gens de la légation d’Autriche, avec lesquels il était en rapport plutôt de plaisirs que d’affaires. Ce fut par son canal que passèrent les premières communications échangées entre le prince de Schwarzenberg et le ministre des affaires étrangères, et plus tard directement entre la cour de Vienne et les Tuileries. Bizarre enchaînement des circonstances ! c’étaient les généreux services rendus à la famille royale de France, et particulièrement à la reine Marie-Antoinette, par son père, M. de Laborde, banquier de la cour avant 1789, qui avaient valu à son fils le gracieux accueil que pendant la tourmente révolutionnaire il avait rencontré à la cour impériale de Vienne. En échange de cette hospitalité, c’était son tour de faciliter à l’orgueilleuse maison de Lorraine-Habsbourg, qui en mourait d’envie, les moyens de placer sans trop d’avances, sur le trône de France, naguère occupé par la fille de Marie-Thérèse, une archiduchesse nièce de Louis XVI et petite-fille elle-même de la grande impératrice autrichienne. Lorsqu’entre grandes puissances l’envie réciproque de s’entendre est de nature à faire passer par-dessus de pareils rapprochemens, les choses s’arrangent vite et aisément. Dans la première semaine de février 1810, le mariage avec Marie-Louise était en effet une affaire conclue et déjà universellement ébruitée ; mais, ainsi qu’il est facile de le deviner, le choix fait par le chef de l’état d’une épouse prise au sein de la famille souveraine la plus connue en Europe par ses sentimens catholiques ajoutait un nouveau degré d’importance à la cassation régulière du lien religieux qui l’avait précédemment uni à l’impératrice Joséphine. Il tombait sous le sens que la cour de Vienne, si grande que fût sa bonne volonté, serait obligée de regarder d’un peu plus près que le cabinet schismatique de Saint-Pétersbourg à la stricte exécution des formalités canoniques qui devaient accompagner un acte aussi considérable. Quels furent les moyens employés par l’empereur pour faire dissoudre le mariage religieux contracté avec Joséphine la veille même de son sacre ? Ils sont peu connus, et nous les raconterons dans notre prochaine étude.


D’HAUSSONVIILE.