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pour lui de la publicité donnée à la bulle d’excommunication. À peine avait-il reçu à Schœnbrunn l’exemplaire latin qui lui avait été directement adressé par le général Miollis, qu’il avait immédiatement ordonné à son nouveau ministre des cultes, M. le comte Bigot de Préameneu, de le faire traduire en grand secret, de lui mander ce qu’il pensait de la bulle d’excommunication, et quel parti il valait mieux prendre à ce sujet.

Les matières sur lesquelles il était consulté n’étaient à aucun degré nouvelles pour ce correspondant de l’empereur. Elevé au séminaire de Rennes, qu’il avait ensuite quitté pour étudier exclusivement le droit, avocat au barreau de Bretagne en 1778 et reçu en la même qualité l’année suivante au parlement de Paris, M. Bigot de Préameneu avait été lié dès sa jeunesse avec M. Portalis, non-seulement par les affinités de leur commune profession, mais par le goût élevé des mêmes études et par une certaine analogie d’opinions. Membre de l’ancienne assemblée législative, M. Bigot y avait fait preuve de modération autant que de courage à propos des affaires du clergé et des mesures sévères-prises contre les prêtres insermentés. Retenu à Paris pendant la terreur, il n’avait dû la liberté et la vie qu’au 9 thermidor. Les dangers qu’il venait de courir l’ayant à cette époque profondément dégoûté de la vie publique, l’ancien avocat était tout naturellement retourné à ses études favorites du droit. Sa réputation comme jurisconsulte n’avait pas tardé à le faire admettre en 1799 à l’Institut dans la section des sciences morales et politiques. Ce fut dans le sein de ce corps illustre que le premier consul vint le prendre après le 18 brumaire pour le nommer commissaire du gouvernement près du tribunal de cassation. Quelques mois après, il le désignait, avec Tronchet et Portalis, pour rédiger le projet préliminaire de code civil destiné à être érigé en loi générale. L’exposé des motifs du titre des absens, celui de la paternité et de la filiation, celui des donations entre vifs et des testamens, qui étaient l’œuvre personnelle de M. Bigot, furent alors particulièrement remarqués, et lui valurent l’entrée au conseil d’état (21 décembre 1801). Peu de temps après, 20 août 1802, il devenait président de la section de législation en remplacement de M. Boulay de la Meurthe. On le voit, tous les précédens de sa carrière, sa liaison restée intime avec M. Portalis, désignaient particulièrement M. Bigot de Préameneu au choix de l’empereur quand, au mois d’août 1807, il eut le malheur de perdre son habile ministre des cultes, au moment où les différends avec la cour de Rome, jusque-là plutôt politiques, prenaient tout à coup une tournure presque exclusivement religieuse et de la plus extrême gravité. Les nuances mêmes, soit d’opinion, soit de caractère, qui sur ces questions délicates avaient toujours séparé