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différends avec la cour de Rome[1]. Ce n’était pas non plus seulement pour se venger de sa résistance, pour rendre plus cruelle la situation de son malheureux prisonnier, qu’il avait ordonné à Fouché de faire le silence et le vide autour du pape, et de veiller surtout à ce qu’il ne pût, durant son séjour en France, communiquer avec aucun personnage un peu considérable. La politique lui avait, comme à l’ordinaire, dicté ces rigoureuses prescriptions. Ce qui préoccupait alors l’empereur, c’était de dérober autant que possible à la connaissance de ses sujets le seul acte d’agression, la seule mesure de représaille irritée et violente que, pendant le cours de leur longue querelle, son inoffensif adversaire ait jamais osé hasarder contre lui : nous voulons parler de la bulle d’excommunication.

Il en avait été de la bulle d’excommunication, un moment affichée dans Rome par ordre de Pie VII, comme de sa venue à Grenoble. Tout le monde en avait vaguement entendu parler en France. Excepté parmi les partisans obscurs et d’ailleurs mal renseignés du régime impérial, personne n’en mettait l’existence en doute ; mais quelle en était au juste la teneur, dans quelles circonstances et de quelle manière avait-elle été publiée ? Nul ne le savait. Chose singulière, c’était précisément dans les régions du pouvoir que circulaient à ce sujet les rumeurs les plus erronées, et, circonstance non moins étrange, c’étaient les propres dépêches des agens de l’empereur à Rome qui avaient accrédité certains récits où figuraient des scènes dramatiques purement imaginaires et de l’effet le plus fâcheux pour le gouvernement. Commentant la lettre de Radet au ministre de la guerre, que nous avons précédemment produite, ou citant les relations officielles du général Miollis à l’empereur, les uns prétendaient qu’après avoir fulminé l’excommunication du haut du balcon du Quirinal le saint-père avait parcouru les rues de Rome, le crucifix à la main, pour ameuter le peuple contre les Français. D’autres racontaient qu’il avait fallu lui livrer un assaut en règle dans son palais, et que Pie VII ne s’était rendu que forcé dans ses derniers retranchemens. La vérité est que, pour justifier auprès du maître la grave résolution qu’il avait été hypothétiquement autorisé à prendre, et qui avait été surtout motivée de sa part par la publication de la bulle d’excommunication, le gouverneur-général de Rome, moins scrupuleux dans sa correspondance qu’il n’était sage dans sa conduite, avait lui-même singulièrement amplifié et presque, travesti la nature des événemens qui s’étaient passés à Rome[2]. Il en

  1. Voir les lettres du 18 juillet, du 6 août et du 15 septembre 1809 ; la lettre du 15 septembre, quoique citée dans le second volume de l’Histoire du Consulat et de l’Empire, n’est pas insérée dans la Correspondance de Napoléon Ier.
  2. « Le pape s’est opposé à l’arrestation du cardinal Pacca par des barricades et une défense qui l’ont entraîné lui-même avec le cardinal. » Le général Miollis à l’empereur, 6 juillet 1809. — « Lorsque le général Radet fut parvenu à son dernier retranchement… » — «… Il se fit en même temps un rassemblement tumultueux où l’on criait : « Mort aux excommuniés ! .. » Le général Miollis à l’empereur, 7 juillet 1809.