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Mme Récamier, peu après son arrivée, s’empressait à son tour d’écrire ; sur ces entrefaites, il y avait eu séance publique de l’académie de Lyon le 1er mai, et Camille y avait lu son discours de réception, le même dont Mme de Staël avait eu connaissance dans son passage à Lyon, et dont il avait déjà été donné lecture à l’académie dans trois séances privées :


« Chaumont, 17 mai (1810).

« C’est mal à moi d’être restée si longtemps sans vous écrire, cher Camille. Vous savez pourtant que vous occupez bien souvent mes pensées, et, s’il était possible de vous oublier, vous nous faites donner de vos nouvelles par la Renommée. J’ai lu avec un vif intérêt ce qu’on nous dit dans les journaux de votre discours. Je me sens toute disposée à avoir de l’amour-propre pour vos succès ; nous en parlons avec Matthieu et Mme de Staël, et vous n’êtes pas trop maltraité dans ce joli coin de Chaumont. Que vous seriez aimable d’être fidèle à la promesse que vous aviez faite d’y venir ! Comme vous seriez bien reçu ! Je compte rester encore plusieurs semaines. — Comment se porte votre charmante petite Caroline ? Que je voudrais encore pouvoir embrasser sa jolie petite tête blonde ! et votre Julie, ne nous l’amenez-vous pas à Paris ? Les fêtes lui donnent-elles de la curiosité ? Je serais charmée de la revoir. Adieu, cher Camille, je vous trouverais bien aimable, de répondre promptement à toutes mes questions, et, si vous m’annonciez que nous vous verrons, je ne puis dire comme j’en serais heureuse.

« (JULIETTE) R. »


Et dans la même lettre, sur le même papier, Mme de Staël ajoutait, revenant sur ses précédentes exhortations, et en personne d’excellent conseil pour tout ce qui était de littérature et de publicité :


« Je vous ai écrit, il y a quelques jours, et je reçois votre lettre qui m’intéresse bien vivement. — Vous voyez que la nouvelle de votre succès est arrivée dans le Publiciste[1]. — Je vous prie de faire imprimer

  1. Le Publiciste du 17 mai 1810 avait en effet un petit article ainsi conçu : « On lit dans le Journal de Lyon que, dans la dernière séance publique de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de cette ville, M. Camille Jordan a lu des fragmens d’un discours fort étendu sur cette question : quelle a été l’influence de la révolution sur les progrès de l’art oratoire en France, et quels ont été les effets de l’éloquence sur la révolution ? Ce sujet semble faire le complément de celui qui a été proposé pour le dernier prix de la deuxième classe de l’Institut ; il achève le tableau de la littérature du XVIIIe siècle. L’auteur y passe en revue presque tous les orateurs qui se sont fait un nom dans nos assemblées délibérantes : il a cherché à déterminer le genre et le degré de leur mérite littéraire. Ces fragmens ont été écoutés avec un vif intérêt ; on y a retrouvé le talent de M. Camille Jordan mûri et fortifié par l’étude et la méditation. On espère que ce discours sera bientôt imprimé. »