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rencontrant dans l’entr’acte d’une lutte, se confient mutuellement les promesses qu’elles ont reçues, et qui ne peuvent pas être tenues ensemble.

Au reste, les classes ouvrières ne seraient pas les seules recrues que le gouvernement tâcherait de faire ou qui même s’offriraient à lui pour les élections prochaines, si ce que nous disions des négociations ouvertes par le parti catholique est vrai. Nous ne voulons pas examiner les conditions de ces divers concordats électoraux. Que ces concordats tournent au profit ou au détriment de l’une ou de l’autre des parties contractantes, nous nous en inquiétons assez peu, ne voulant nous attacher qu’aux profits que la liberté doit tirer des prochaines élections. Seulement, si nous étions dans le camp de l’une de ces parties, soit les classes ouvrières, soit le parti catholique, soit le gouvernement, nous chercherions à discerner avec une grande attention quel est le camp qui est en ce moment le plus fort, car c’est celui-là qui l’emportera dans les résultats de l’alliance. Ce n’est pas ici, bien entendu, une question de sincérité, c’est une question de force. Voyez dans les négociations de la politique extérieure, tant que le gouvernement français a été le plus fort, il a aisément passé pour le plus habile, et il l’a été. Quand au contraire il s’est trouvé affaibli par les fautes, alors, dans les nouveaux arrangemens qu’il a voulu faire pour l’Allemagne, il a eu beau vouloir encore être habile, il ne l’a pas pu. La force manquait à l’habileté, et l’habitude d’être toujours habile ne suppléait pas à la force. Nous ne disons pas que, pour les arrangemens électoraux qu’on songe à faire, le gouvernement ait à craindre de rencontrer dans le parti des ouvriers ou dans le parti catholique des habiletés et des hardiesses égales à celle de M. de Bismarck ; mais ce qui fait le mieux éviter les échecs dans une négociation délicate, c’est d’avoir eu toujours pour soi la fortune et d’avoir toujours été le plus fort. Le gouvernement n’est plus dans cette heureuse situation, et les échecs pour lui ne sont plus une chose sans précédens. Il y a dix ans, nous aurions, dans les concordats électoraux qui peuvent se faire entre le gouvernement et des alliés exigeans, parié hardiment que le gouvernement aurait le dessus. Aujourd’hui ce sera pour lui une victoire de ne pas perdre la partie.

Dans tout ce mouvement de surprises et d’évolutions qui se succèdent, est-il rien de plus curieux, de mieux fait pour intéresser que ce qui se passe en Autriche depuis quelque temps ? Est-il rien qui fasse mieux voir comme tout change et se transforme rapidement ? La Hongrie réconciliée par la liberté, l’Autriche elle-même en pleine vie parlementaire et constitutionnelle, la politique de Joseph II se relevant après une longue défaite, Vienne illuminant pour la mort du concordat de 1855, et un archiduc donnant sa démission de Habsbourg pour se marier selon son cœur, que faut-il de plus pour montrer que décidément le passé n’est