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et y donna des lectures sur différentes questions d’une littérature élevée : l’Influence de la révolution sur l’éloquence française, un mémoire sur la Littérature allemande, dont Klopstock, à son point de vue, était le centre ; un Éloge de l’avocat-général Servan. Les manuscrits de ces divers ouvrages ne se sont malheureusement point retrouvés, et l’on n’en a que des analyses dans les procès-verbaux de l’académie. Pendant cette résidence à Lyon, il n’était pas très éloigné de Mme de Staël ; il était sur la route de Genève et de Coppet. Mme de Staël, dans les essais de voyages qu’elle faisait en France, ne manquait pas de le chercher au passage. Elle lui écrivait souvent, elle l’appelait à elle quelquefois. Camille Jordan n’entrait pas toujours, comme elle l’aurait voulu, dans l’excès de ses inquiétudes et dans l’agitation de ses projets. Cela ressort de quelques lettres qui doivent se rapporter aux années 1806 et 1807, pendant lesquelles elle vint en France et s’approcha de Paris aussi près qu’elle pouvait pour surveiller l’éducation de ses fils et aussi l’impression de Corinne. Je donnerai ces lettres dans l’ordre qui me paraît le plus naturel.


« Près d’Auxerre, ce 1er mai (1886).

« En arrivant à Lyon, j’ai écrit à votre frère aîné, mon cher Camille, qui était indisposé et qui m’a envoyé César. Je lui ai exprimé le plus vif désir de voir Mme Camille. Il m’a répondu qu’elle était à la campagne, et j’ai cru entrevoir dans sa physionomie qu’il eût été indiscret d’insister. J’ai donc renoncé par force à un véritable plaisir, celui de connaître une personne qui vous est aussi chère ; mais je ne sais pas pourquoi vous vous étiez placé d’avance hostilement contre mon jugement. J’ai beaucoup plus de bienveillance que je n’en inspire. Une personne que vous aimez n’a qu’une chose à faire pour me plaire : c’est de me montrer de l’intérêt. — Je n’aime pas trop, j’en conviens, que mes amis se marient ; mais quand ils le sont, ce ne serait plus de l’amitié que de ne pas partager leurs sentimens, — et si je vois Mme Camille, je serai aussi coquette pour elle que je l’ai été pour vous, n’est-ce pas bien ? Je ne sais rien du tout de mes affaires, et je suis ici dans la plus solitaire de toutes les