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d’Ecosse résistaient avec vigueur aux desseins du roi, à ses mesures arbitraires ; mais la lutte était ouverte, et tout présageait une catastrophe. L’Angleterre était menacée d’un coup d’état, et Jacques II, dans des intentions trop connues, augmentait chaque jour son armée permanente, commandée surtout par des officiers catholiques. Ce que les Anglais du XVIIe siècle détestaient dans le catholicisme, c’était encore moins la religion que la politique de l’église romaine. N avaient-ils pas assez souffert chez eux sous le triste règne de Marie Tudor ? N’avaient-ils point été forcés de soutenir contre Charles Ier une lutte qui avait coûté à ce roi la couronne et la vie, mais qui avait aussi ensanglanté plus d’un champ de bataille ? Ils portaient encore les cicatrices de ces temps malheureux, et ce qui se passait en France n’était guère de nature à dissiper leurs craintes ni à effacer les souvenirs de leur histoire. C’est alors que tous les regards se dirigèrent vers le prince d’Orange. Combien sa politique différait de celle de Jacques II ! La Hollande, dont il était stathouder, avait accueilli avec transport tous les réfugiés, et parmi ces derniers se trouvaient les meilleurs marins de la France, des hommes qui avaient servi sous Duquesne, des matelots venus des côtes de la Guienne, de la Saintonge, du Poitou et de la Normandie. Le prince d’Orange s’occupait dans ce moment-là de réorganiser sa flotte et son armée : comment eût-il dédaigné des soldats, des officiers, qui avaient combattu sous le drapeau de la France, et dont Louis XIV lui faisait en quelque sorte cadeau ? Aussi proposa-t-il aux états de Hollande de lever deux nouveaux régimens composés de huguenots exilés. Les états s’y refusèrent d’abord par des raisons de prudence et d’économie ; mais lui, craignant que ces soldats éprouvés et aguerris n’allassent porter ailleurs leurs services, déclara publiquement qu’il était prêt à payer de ses propres fonds les dépenses des réfugiés militaires. Ce langage vainquit l’hésitation des états, qui consentirent à faire une pension aux officiers français jusqu’au jour où ils pourraient être incorporés dans l’armée hollandaise. Une somme de 100,000 florins par an fut votée pour cet usage. Les vaillans fusiliers de Strasbourg, de Metz, de Verdun, grossirent à l’envi les rangs des troupes néerlandaises, et des compagnies entières de huguenots, avec leurs officiers en tête, entrèrent dans les cadres de chaque régiment. Les places fortes de la Hollande se convertirent en autant de dépôts pour les hommes de guerre qui, humiliés chez eux par la tyrannie des opinions religieuses, venaient chaque jour demander un asile à l’autre côté du Rhin. L’élément français s’infusait ainsi à petit bruit, mais par suite d’une volonté persévérante et Il l’aide de circonstances peu communes, dans cette petite armée qui allait bientôt délivrer l’Angleterre.

Aigris par de longues adversités, nos anciens calvinistes