Fronton, qui le sollicitait pour un de ses amis, il lui parlait avec malice de cette inondation d’avocats (scatebra causidicorum) qui ne manque pas de se répandre sur toutes les places à donner. Quand Fronton fut consul, il prononça, selon l’usage, un beau discours pour louer l’empereur qui l’avait nommé ; nous avons la lettre d’Antonin qui remercie son panégyriste. « Il faut bien, lui disait-il, que je vous envoie les félicitations que vous méritez, et pourtant je crains de manquer à toutes les convenances en faisant l’éloge de mon éloge ».
En arrivant à l’empire, Antonin n’avait pas cru devoir renoncer à ses habitudes, quand il les trouvait bonnes. Il continua d’aimer la campagne, et garda les goûts d’un grand propriétaire italien. Son plaisir le plus vif était de s’échapper du Palatin pour aller faire la vendange avec ses amis dans quelqu’un de ses domaines. La correspondance de Fronton nous donne des détails curieux sur ces voyages et les fêtes champêtres qui les suivaient. On quittait Rome au milieu d’une cohue d’amis empressés : la foule était grande de ceux qui voulaient saluer l’empereur et sa famille avant leur départ. On voyageait à petites journées ; on se détournait pour visiter les curiosités de la route. Marc-Aurèle a grand soin de tenir son maître au courant de tout ce qu’on a vu de nouveau. « Nous avons visité Anagni, lui écrit-il ; c’est une toute petite ville qui renferme beaucoup d’antiquités et surtout un nombre incroyable d’édifices religieux et de superstitions de tout genre. Il n’y a pas de rue où il n’y ait un temple, un sanctuaire ou une chapelle ». Ne croirait-on pas qu’il parle d’une ville de l’Italie moderne ? On arrive enfin dans la villa où l’on doit rester et l’on s’y installe. Ces palais impériaux ne ressemblaient guère à ceux d’aujourd’hui. Ils pouvaient être somptueux d’aspect, remplis d’objets d’art magnifiques, mais on n’y trouvait pas toujours le bien-être qu’un bourgeois aisé se procure si facilement de nos jours. Les chambres n’étaient pas chauffées pendant l’hiver, et Marc-Aurèle disait un jour à Fronton qu’il ne pouvait pas tenir la plume tant il y faisait froid. Il lui raconte une autre fois qu’il a trouvé un scorpion dans son lit. Qu’on nous vante ensuite le luxe effréné des Césars ! Les repas n’étaient guère plus somptueux que les palais n’étaient commodes. En sa qualité de philosophe, Marc-Aurèle se contentait le matin d’un morceau de pain, « tandis que les autres dévoraient des huîtres, des oignons et des sardines bien grasses ». On se livrait pendant la journée aux occupations les plus variées. Tantôt on allait chasser le sanglier sur la montagne, tantôt on se mêlait aux vendangeurs, et le bon Antonin lui-même, avec son petit manteau de laine de Lanuvium, prenait la serpe et coupait les raisins comme les autres. « Nous avons bien sué et bien ri », écrivait Marc-Aurèle. Le soir, on dînait dans le