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au gouvernement des vérités qui seront à la fois un hommage pour l’une et une instruction pour l’autre.

« Car enfin le moment est venu où il est permis, où il est utile, où il est nécessaire d’écrire. Un assez long silence a réparé l’abus que nous fîmes de la parole, c’était le sommeil succédant au délire de la fièvre ; mais ce sommeil ne put être celui de la mort, le retour de la santé en a marqué le terme. Nous voici délivrés à la fois des habitudes serviles de l’ancien ordre et des exagérations passionnées du nouveau, appelés par notre gouvernement à délibérer sur de grands intérêts, reconnus par lui-même assez sages pour les bien déterminer ; eh ! comment aurait-il espéré un vœu éclairé sans de franches communications ? comment aurait-il consulté la volonté nationale, si la pensée publique n’était manifestée ?

« Que lui importent des listes de vulgaires suffrages, toujours d’avance assurés au pouvoir, toujours n’enfermant aucune réserve généreuse, et qui n’ajouteront rien à ses droits véritables ? Mais ce qui lui importe, c’est de recueillir des votes indépendans, c’est de savoir ce qu’entendent dans cette grande circonstance, sous quelle condition viennent de souscrire tous ces hommes qui ont une opinion, une conscience, et dont la voix semble l’interprète naturel de la vérité et de la justice.

« Il fut digne de les interroger, et voici ce qu’ils lui ont répondu :

« Sans doute d’abord il est entré dans notre vote un sentiment profond de reconnaissance pour l’homme qui nous gouverne. Nous n’avons pas besoin de répéter ici ces louanges sans mesure que lui-même dédaigne ; il nous suffit de dire, dans un langage plus simple parce qu’il est plus vrai : Oui, ce citoyen a bien mérité de son pays. Il fut appelé au pouvoir dans des jours de discorde, et il répondit dignement à sa haute mission ; d’une main ferme, il contint les factions au dedans, il vainquit les ennemis au dehors, il dicta la paix, il commença la justice, il consola le malheur. Quelques partielles erreurs purent se faire douloureusement remarquer, mais elles trouvèrent leur excuse dans de difficiles circonstances ; elles n’ôtent point à son administration, jugée dans son ensemble, ce caractère à la fois énergique et bienfaisant qui la distingue, et il est naturel, ce mouvement d’un peuple généreux qui aime à prolonger l’autorité qui l’a sauvé, et cherche pour le plus grand des services la plus haute des récompenses.

« Sans doute encore nous avons été frappés de cette utilité politique, qu’après tant de déplacemens funestes, et dans un état si vaste, le pouvoir acquière plus de fixité ; qu’il persévère longtemps dans les mêmes mains, surtout lorsque ces mains se montrèrent heureuses, lorsque le chef a fait d’illustres preuves de talent, lorsque, respecté dans son pays et redouté en Europe à l’égal de nul autre, il semble avoir identifié avec sa fortune la fortune publique.

« Mais en même temps nous nous hâtons de le déclarer, et nous