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d’assurer à chacune des classes et à chacun des intérêts sociaux cette représentation proportionnelle qui doit être l’objet de nos désirs. S’il n’y avait aucune différence entre les élections des bourgs et les élections des comtés, si le mode du suffrage était partout le même d’un bout du pays à l’autre, les intérêts des classes populaires, comme ceux de la propriété territoriale, ne seraient pas aussi bien représentés dans le parlement ; la chambre des communes ne serait pas ce qu’elle doit être, l’image complète et fidèle du pays. La séparation des campagnes et des villes dans l’exercice du droit électoral n’est pas seulement justifiée par la diversité naturelle de leurs sentimens et de leurs intérêts ; elle est rendue nécessaire par la différence de leurs mœurs politiques. Il faut que les représentans conservateurs des campagnes tempèrent la vivacité des représentans des villes, et qu’à leur tour les élections démocratiques des grandes villes corrigent les résultats trop paisibles des élections rurales ; mais il ne faut pas qu’on essaie d’imposer a ces intérêts différens une confusion artificielle qui les neutralise et les étouffe. La représentation spéciale des grandes universités anglaises procure à l’intelligence une part d’influence bien légitime et qu’aucun homme sensé ne lui conteste. Il n’y a pas jusqu’aux bourgs pourris eux-mêmes, jusqu’à ces abus de l’ancien régime, condamnés depuis 1832 et frappés de mort par la nouvelle réforme, qui n’aient pratiquement de grands avantages, et qui ne puissent concourir à donner une variété plus grande à la représentation du pays. Il est remarquable en effet que la plupart des hommes qui ont illustré les assemblées anglaises y sont entrés non par la grande porte des élections populaires, mais par la porte dérobée des bourgs pourris, grâce à la protection de quelque grand seigneur éclairé qui avait reconnu leur mérite. Ces glorieux parvenus qu’on appelle Burke, Sheridan, Canning, M. Lowe, et que l’aristocratie anglaise devait reconnaître un jour pour ses chefs, seraient peut-être restés inconnus toute leur vie, si l’institution des dlose-boroughs n’avait permis à la naissance et à la fortune d’associer à leurs privilèges cette noblesse naturelle du génie. C’était comme un sentier de traverse ouvert à la jeunesse, au talent pauvre et obscur, trop faible encore pour affronter les grands chemins de la popularité. Les bourgs pourris ont disparu parce qu’on ne pouvait plus les défendre ; personne ne songe en Angleterre à les faire revivre, mais beaucoup de gens se demandent ce qu’on pourra mettre à la place.

Enfin la représentation nationale est assise en Angleterre sur le solide fondement des réalités. Les collèges électoraux d’où elle est sortie ne sont pas des collections de chiffres, des groupes