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Un ministère des affaires communes est constitué, mais il ne peut « s’occuper des intérêts particuliers de l’une ou l’autre des deux parties, ni exercer sur ceux-ci aucune influence. » Le ministère est responsable vis-à-vis des délégations, qui peuvent le décréter d’accusation. Chaque délégation tient ses séances séparément. Elle communique ses résolutions à l’autre délégation. Jamais elles ne peuvent délibérer en commun. En cas de désaccord, le débat a lieu par l’échange de notes rédigées dans la langue nationale et accompagnées d’une traduction authentique. Quand trois échanges successifs de notes écrites n’ont pas abouti, chaque délégation a le droit de réclamer une séance plénière, mais uniquement pour trancher la question par le vote sans aucune délibération. Afin de ne pas violer le principe de la « parité des droits, » si dans cette séance plénière l’une des délégations compte plus de membres que l’autre, le sort éliminera de la plus nombreuse autant de membres qu’il faudra pour établir l’égalité. Les délégations ne peuvent s’occuper que des intérêts communs. Elles ont le droit d’interpeller les ministres des affaires communes, de les appeler dans leur sein et de proposer des lois ou amendemens. Quand le budget des dépenses est fixé, chaque partie est tenue d’y contribuer pour la proportion arrêtée, qu’elle doit verser dans la caisse du ministre des finances communes mensuellement et par douzièmes. Les décisions prises par les délégations dans les limites de leur compétence et sanctionnées par le souverain deviennent lois générales ; mais chacun des deux ministères doit les faire connaître au parlement de son pays, et il est chargé de l’exécution.

En résumé, voici donc le mécanisme constitutionnel qui doit diriger l’empire-royaume Autriche-Hongrie : à Vienne, un ministère responsable en face du reichsrath, à Pesth, un autre ministère responsable en présence de la diète hongroise ; enfin, alternativement à Vienne et à Pesth, le ministère « des affaires communes, » en tête-à-tête avec les délégations.

La question qui se pose aussitôt est celle de savoir si ce mécanisme à triple rouage fera de bonne besogne et contribuera réellement à consolider l’état. Les délégations sont réunies en ce moment à Vienne. Les Hongrois ont été parfaitement accueillis. Les membres cisleithans et transleithans, qui ne peuvent discuter ensemble dans la salle de leurs séances respectives, se rencontrent dans leurs clubs politiques, où ils échangent leurs idées et préparent le travail législatif. Le budget des affaires communes vient d’être voté sans grands tiraillemens. Aussi longtemps que les majorités actuelles se maintiendront au sein de la diète de Pesth et du reichsrath de Vienne, tout ira bien, parce qu’entre ces majorités et le