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comprit que, s’il voulait sauver l’empire, il fallait changer de système ; mais lequel adopter ? À la fin de mai 1860, il réunit à Vienne une sorte de parlement consultatif, appelé verstärkte Reichsrath, chargé de chercher une solution. Les tendances fédéralistes dominant dans cette assemblée, l’empereur promulgua, le 20 octobre, un diplôme réorganisant l’empire conformément à ce système. De larges attributions étaient accordées aux diètes provinciales ; les affaires d’intérêt commun étaient seules réservées aux décisions d’un parlement central qui devait être formé d’une centaine de membres choisis par l’empereur au sein des assemblées locales.

Cette constitution venait à peine d’être déclarée « la loi permanente et irrévocable de l’empire, » que déjà, le 26 février 1861, quatre mois après, le comte Goluchowski, fédéraliste, cédant la place à M. de Schmerling, centraliste, une nouvelle loi fondamentale fut publiée, établissant un véritable parlement central, composé de deux chambres et investi de tous les pouvoirs qui appartiennent aux assemblées électives dans les autres pays constitutionnels. Partout ailleurs qu’en Autriche, cette mesure aurait été accueillie avec enthousiasme, car elle avait pour but de consolider l’unité de l’état, tout en le dotant d’institutions vraiment libérales. Malheureusement elle ne tenait pas compte du « droit historique » et des rivalités de race. Elle semblait devoir favoriser les Allemands, et cela suffit pour la faire repousser par les Slaves et par les Hongrois. La diète hongroise réunie à Pesth, ayant réclamé, comme préliminaire à tout accord, le rétablissement de l’ancienne constitution, fut dissoute, et la compression fut rétablie comme au temps de Bach. La Croatie, la Transylvanie, la Galicie, la Vénétie et l’Istrie refusèrent aussi d’envoyer leurs députés, de sorte que, sur 343 sièges, 140 restèrent vacans. Le mécontentement devint bientôt universel ; les Allemands eux-mêmes réclamèrent plus de libertés, et, après un essai qui dura cinq ans, on put croire que le centralisme parlementaire avait échoué aussi complètement que le centralisme absolutiste.

La cause de cet échec n’était autre que l’opposition indomptable de la Hongrie. C’est elle qui avait fait modifier la constitution d’octobre à peine promulguée ; c’est elle encore qui frappait d’impuissance les réformes libérales de M. de Schmerling. C’est donc avec elle qu’il fallait s’entendre pour fortifier l’empire et lui donner une base généralement acceptée ; mais la même question revient toujours : cette base quelle serait-elle, et comment la faire agréer ? L’entente avec la Hongrie fut préparée par des négociations entre les fédéralistes féodaux de Vienne et les magnats hongrois représentant le parti conservateur, Maurice Esterhazy, George Maylath,