Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 74.djvu/546

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maintenant sous le nom d’Autriche. Maximilien II fut, comme son père, proclamé roi de Hongrie à Presbourg, roi de Bohème à Prague et empereur. Ces trois couronnes devenaient héréditaires dans la maison d’Autriche sans cesser, en principe, d’être électives. Son fils, Rodolphe II, établit la primogéniture dans l’archiduché d’Autriche, qui avait été presque toujours subdivisé. Après Mathias, son cousin Ferdinand II monta sur le trône, et avec lui s’ouvrit l’ère des persécutions sanglantes. Jusqu’alors les princes autrichiens, mieux inspirés que Charles-Quint, avaient pratiqué la tolérance en matière de religion. « Ce n’est pas, disait Maximilien II, en rougissant les autels de sang hérétique qu’on honore le père commun des hommes. » Élevé par les jésuites d’Ingolstadt sous les yeux du fanatique Guillaume de Bavière, pénétré des maximes de Philippe II d’Espagne, Ferdinand s’était promis d’extirper de ses domaines le protestantisme, qui y avait fait de grands progrès. Ce fut une faute qui décida de l’avenir de la maison d’Autriche en Allemagne. Non-seulement il ruina ses états, qui perdirent dans des luttes atroces plus de la moitié de leur population, mais, à la suite de la guerre de trente ans, tout le nord lui échappa, prêt à constituer un grand état réformé, rival de l’Autriche. Si au lieu de vouloir imposer par le fer et le feu à la race germanique, toute pénétrée du sentiment de l’individualisme et de la liberté, le joug de l’orthodoxie ultramontaine et de l’absolutisme espagnol, il avait adopté les idées nouvelles, et s’était placé franchement à la tête du mouvement émancipateur jailli du cœur de l’Allemagne, l’empire, depuis les rives de l’Adriatique jusqu’à celles de la Mer du Nord, lui eût appartenu. Toujours on a vu ceux qui s’attachent au progrès grandir et triompher, et ceux qui s’obstinent à défendre les institutions du passé, malgré un succès apparent, s’affaiblir et tomber avec elles. Léopold, que l’on a appelé le grand, parce qu’il tenta d’imiter Louis XIV, organisa le despotisme, dont son père avait jeté les bases. Nous avons peine à comprendre comment les princes qui ont précédé Ferdinand II, l’empereur Maximilien, par exemple, qui possédait le riche héritage des ducs de Bourgogne, se trouvaient si complètement dépourvus de toute puissance effective. C’est que le souverain manquait d’organes pour imposer ses volontés. Il n’existait rien de semblable au pouvoir central actuel avec sa légion de fonctionnaires répandue sur toute la surface du pays. Les villes, à l’abri de leurs privilèges et de leurs murailles, les seigneurs féodaux, fiers de leur indépendance, ne payaient des subsides que quand ils le jugeaient convenable. L’autorité royale rencontrait de toutes parts des limites qu’elle s’était en vain efforcée de renverser. La centralisation administrative, édifiée par la royauté en France avec