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plus fort qu’eux, comme sous les Hohenstaufen. Ainsi que l’écrivait au pape l’évêque d’Olmutz, volunt imperatorem, sed potentiam abhorrent. À cette époque, le souverain le plus puissant de l’Europe était Ottocar, roi de Bohême, dont les états s’étendaient depuis la Baltique jusqu’à l’Adriatique. Occupant ainsi tout le centre de notre continent, il s’était aussi emparé du duché d’Autriche, qui était vacant depuis que le dernier héritier de la maison de Bamberg avait péri à Naples sur l’échafaud de Conradin. Rodolphe, à la tête des forces allemandes, bat les Tchèques à Marckfeld, sur la Morava ; Ottocar est tué, et en 1282 la diète d’Augsbourg délègue la possession de l’Autriche, de la Styrie et de la Carniole aux deux fils de l’empereur, Albert et Rodolphe. Albert est élevé à la dignité impériale en 1298. Il essaie de soumettre les Suisses, mais il est repoussé, puis assassiné en 1303, au passage de la Reuss, par l’un de ses neveux. Pendant un siècle, les Habsbourg n’arrivent plus à la couronne impériale ; néanmoins les possessions de la famille s’étendent sans cesse. En 1335, à la mort de Henri. duc de Carinthie, ils acquièrent ce fief important. En 1360, Rodolphe d’Autriche obtient de Marguerite Maultasch la cession du Tyrol, et une convention conclue avec Henri, duc de Goritz, lui vaut ce comté avec Gradisca. Il réunit aussi aux domaines de sa maison l’Istrie et la partie de la Carniole qui ne lui appartenait pas encore. Il se croit alors assez puissant pour prendre le titre d’archiduc, confirmé par l’empereur Frédéric III un siècle plus tard. Trois choses encore existantes rappellent la mémoire de ce prince, bon administrateur et ami des lettres, — la cathédrale et l’université de Vienne, le pont de Raperschwyl, sur le lac de Zurich. Léopold, par l’occupation de Trieste, obtint accès à la mer ; mais, faute de voies de communication, les pays de l’intérieur en tirèrent peu de profit. Pendant qu’ils s’avançaient ainsi vers l’Orient, les Habsbourg perdaient leurs domaines en Suisse, pays qui semblait destiné à devenir leur patrimoine héréditaire, puisqu’ils en étaient originaires et qu’ils exerçaient une sorte de protectorat sur les cantons. On sait par quels miracles de bravoure les héroïques montagnards écrasèrent à Morgarten et à Sempach les chevaliers bardés de fer, et parvinrent à fonder ainsi au milieu de l’Europe féodale le premier état démocratique. La lutte dura près de deux siècles. Sous Sigismond, les Habsbourg perdirent tout ce qu’ils possédaient encore en Suisse, et après les défaites de Charles le Téméraire à Granson et à Morat la fédération inspirait assez de respect pour n’avoir plus rien à craindre des princes autrichiens.

Comme le droit de primogéniture n’existait pas dans la maison des Habsbourg, leurs provinces se divisaient et se subdivisaient,