Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 74.djvu/529

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ESSAIS ET NOTICES.

La Révolution religieuse au dix-neuvième siècle, par M. F. Huet, 1 vol. in-18 ; Michel Lévy, 1868.


Lorsqu’on a eu l’occasion récente de voir à quels accès de turbulente ferveur la religion peut servir de prétexte, on est particulièrement sensible au plaisir d’étudier dans un livre impartial les véritables tendances de notre temps en matière religieuse. Cette lecture est rassurante. Elle montre que ce siècle, qui se pique d’être celui des recherches consciencieuses et des raisonnemens de sang-froid, n’a pas en définitive tout à fait tort de se décerner ces mérites. Voici par exemple un volume dont l’auteur nous prévient dès la première ligne que, d’une sorte de compromis entre l’orthodoxie catholique et la pensée libre où il s’était longtemps arrêté, il est passé à la pleine indépendance de sa raison. Il n’y a point à craindre cependant qu’il mette au service de ses convictions nouvelles l’ardeur un peu fougueuse dont les néophytes sont volontiers atteints. La méthode par laquelle il a été conduit à modifier ses croyances le préserve de ces involontaires injustices envers les opinions auxquelles il a renoncé. Cette méthode, qui n’est autre que la méthode baconienne transportée des sciences de la nature dans celles de la foi, consiste à appliquer à l’exégèse les règles de l’observation et de la critique historique. On pouvait donc être assuré que M. Huet traiterait avec une respectueuse fermeté les périlleuses questions que son sujet soulève. Ainsi abordées de biais et transportées du terrain de la métaphysique sur celui de l’histoire, les discussions dogmatiques elles-mêmes ne risquent guère de s’envenimer. L’érudition étant de sa nature pacifique, il y a lieu de compter que la recherche se poursuivra paisiblement, ce qui est déjà un grand point de gagné et une condition aussi favorable à la dignité du débat qu’à la découverte de la vérité. C’est en effet par des travaux plus patiens qu’audacieux que s’est affirmé le mouvement d’idées que M. Huet appelle la Révolution religieuse au dix-neuvième siècle. On doit ici écarter du mot de révolution tout ce qu’il semblerait impliquer de brusque violence et d’ardeur irréfléchie. Le mot évolution conviendrait mieux pour caractériser la calme lenteur avec laquelle la critique tend à substituer à doses croissantes dans les religions positives le rationalisme à l’orthodoxie.

Puisqu’il est convenu que c’est désormais l’exégèse qui doit servir de point de départ à toute étude de ce genre, il n’est pas étonnant que ce soit d’exégèse que M. Huet nous entretienne d’abord. Il commence donc par nous apprendre dans un résumé rapide des travaux de ses devanciers ce que la laborieuse perspicacité des récens commentateurs a