Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 74.djvu/528

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on ne s’y serait attendu. « Tous les regards, écrit-on, de la chambre et des galeries étaient tournes sur ce vieil homme débile. Le message était court, quelques phrases seulement ; mais aucune parole de cette importance n’avait jamais auparavant été entendue dans le sénat. » Depuis ce moment, Johnson a multiplié les fautes, a montré à tous combien peu il connaît les hommes, et se consume dans un isolement stérile. Il a été impuissant à déloger M. Stanton du ministère de la guerre. Le général Lorenzo Thomas a soutenu la position qu’il avait acceptée avec une insigne mollesse et a repris son poste d’adjudant-général, que le congrès supprimera peut-être pour le punir de sa complicité avec le président. La condition où les choses ont été amenées dépouille le président de tout concours efficace. Il a fait appel, pour la secrétairerie de la guerre, à un vieil officier de soixante-dix-huit ans, Thomas Ewing, de l’Ohio, qui évidemment n’acceptera point ou ne servira à rien. Il a cherché à mettre dans ses intérêts l’illustre Sherman et le bon général Thomas (George), du Tenessee. Il promettait à ces officiers des brevets qu’ils n’avaient point sollicités, et qu’ils ont repoussés avec dédain. Les dernières nouvelles de Washington indiquent que le procès de l’impeachment sera poussé avec vigueur. Le sénat a notifié à la chambre qu’il prendra des mesures pour faire comparaître Andrew Johnson aussitôt que les charges auront été portées contre lui. Afin d’expédier la procédure, on bornera les charges seulement aux mesures qu’il a prises contre M. Stanton, et on négligera ses actes inconstitutionnels antérieurs. On n’aura ainsi que peu de témoins à entendre, et le procès finira vite. Cette façon de réprimer la rébellion du pouvoir exécutif contre le pouvoir législatif est d’une bonne école politique. Elle renverse les idées européennes, et cependant la pratique des institutions parlementaires aboutit avec moins de rigueur, mais avec certitude, au résultat de la subordination du pouvoir exécutif au pouvoir législatif.

Nous ne terminerons point ces pages sans féliciter l’Académie des sciences morales et politiques de sa dernière élection. La libre recherche a été enfin récompensée dans un vétéran de la philosophie indépendante, M. Vacherot. On devait cette récompense à un penseur désintéressé, laborieux, et qui a su courageusement souffrir pour ses convictions. En l’admettant dans leurs rangs, nous ne voulons pas dire que les spiritualistes de la section philosophique aient rien sacrifié de leurs opinions ; ils n’ont fait que rendre hommage au libre examen, et, au même titre, M. Vacherot ne donnerait pas l’exclusion à un philosophe spiritualiste d’un vrai mérite. On raconte que M. Vacherot aurait fait part à un membre de la section politique de cet esprit de tolérance qui irait jusqu’à donner son suffrage à un candidat clérical qui aurait un réel talent. — « Pas moi ! » aurait vertement répondu l’académicien politique, qui est un ancien ministre et un grand magistrat. e. forcade.