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retraite ; ces pauvres gens ont mis là leurs petites économies, et les y ont laissées par confiance dans la justice du gouvernement. Au surplus, les organes du conseil d’état semblent avoir fait leur siège avant d’avoir entendu M. de Germiny, qui est naturellement l’homme le mieux renseigné sur la question. Il est impossible que le président de la commission mexicaine accepte comme exacte la somme de 68 millions à laquelle le conseil d’état a fixé le remboursement dû aux porteurs d’obligations mexicaines. Cette somme est inférieure de plus de 40 millions à celle dont l’état serait redevable, si l’on s’en tenait au remboursement strict des fonds que le trésor s’est appropriés sur le produit des emprunts mexicains, Du reste, le débiteur ne saurait arrêter seul le chiffre de sa dette en dehors de la contradiction et du consentement du créancier. Le tribunal arbitral sera donc dans la commission du budget et dans la chambre ; il y aura enquête sérieuse, et les mandataires des obligataires du Mexique seront écoutés avec bienveillance.

A l’étranger, le voyage du prince Napoléon à Berlin a été l’événement de la quinzaine. On s’accorde à dire que ce voyage n’est point une mission, qu’il est de la part du prince une rentrée in fiocchi dans les affaires publiques. Le prince Napoléon se tenait depuis quelque temps à l’écart de la politique. Il paraît que dans les circonstances actuelles il s’interdisait de prendre la parole, sous l’influence de hautes convenances de famille. Il ne pouvait cependant rester dans une attitude indifférente et insignifiante. Un voyage princier qui le poserait en rapport avec les cours et les hommes d’état qui mènent les affaires d’Europe pouvait mettre un terme à son inaction. Toutefois dans l’état de l’Europe il n’y a guère lieu à des échanges d’idées qui puissent avoir des effets immédiats. On connaissait à Paris par M. de Budberg, avant le départ du prince Napoléon pour Berlin, la résolution prise par la cour de Pétersbourg de cesser sur le Danube toutes les agitations roumaines et panslavistes et de laisser l’Orient tranquille. Ce qui donne une opportunité piquante à l’excursion du prince Napoléon, c’est une étrange méthode qui a été adoptée récemment par le roi de Prusse et le chancelier de la confédération du nord. Le roi et son premier ministre ne veulent plus causer d’affaires avec les ambassadeurs ; ils les renvoient à M. de Thile, sous-secrétaire d’état au ministère des affaires extérieures. Malgré les rapports amicaux et familiers de la vie de société, lord Loftus, M. Benedetti et les autres ne peuvent ouvrir la bouche au roi Guillaume et à M. de Bismarck. On dit que lord Loftus est fort blessé de cette dérogation aux usages diplomatiques, qui autorisent un ambassadeur à s’adresser directement au souverain et surtout à son ministre des affaires étrangères. La difficulté est comique, et nous ne savons comme elle tournera. Le boutonnement du monarque prussien et de son ministre n’aura certainement point résisté au prince Napoléon. Le prince est, à l’heure qu’il est, le seul étranger qui ait eu le privilège de s’entretenir de politique avec le