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explosions n’aient point été prévenues par les préfets. Si nous étions du gouvernement, nous casserions les préfets qui n’auraient pas su prévenir ces semblans d’émeutes, à moins qu’il ne fût établi que l’agitation populaire eût éclaté par une cause fortuite et impossible à prévoir. Il ne faut pas jouer avec le feu. Ce sont ordinairement les administrateurs ornés de réputation de fier-à-bras qui manquent de prévoyance, de présence d’esprit, et qui fléchissent dans ces momens critiques. On se souvient de la mésaventure de ce pauvre M. Mahul et de l’infortune de M. Plougoulm dans les troubles qui agitèrent Toulouse lors du recensement sous le roi Louis-Philippe. Avec une égale réputation de force, M. Dulimbert vient de montrer des hésitations dangereuses. Ceux qui connaissent les populations méridionales savent comme elles sont faciles à l’entraînement. Elles commencent par des manifestations gaies, par des chants et des farandoles, puis, grisées par le mouvement et le tumulte, elles s’amusent à narguer l’autorité. Ce sont des enfans en révolte qui cherchent des émotions. Le plaisant de ces dernières manifestations, c’est que le peuple rassemblé a eu tout à coup pour cri de ralliement notre ode héroïque et nationale, la sublime Marseillaise, qui entraîna nos cohortes républicaines contre les envahisseurs étrangers. Les accens de la vaillante Marseillaise résonnant dans le lointain s’accordent assez avec la situation présente. On nous rapporte que dans beaucoup de départemens l’appel de la garde mobile a produit un tout autre effet qu’à Toulouse. Ces braves enfans, ces fils de paysans, ont cru qu’on les réunissait pour faire la guerre, et ont montré un patriotique enthousiasme ; ils se figuraient, dans leur ignorance des garanties pacifiques que nous donne la diplomatie officielle, qu’il fallait aller à la frontière ; ils sont accourus, et eux aussi, comme nos pioupioux partant en 1859 pour la guerre d’Italie, ils auraient gaillardement chanté la Marseillaise. Cette race française est toujours charmante dans la naïveté de sa jeunesse, et mérite bien d’être aimée.

Si nous revenons aux choses positives, nous rencontrons les budgets de M. Magne et le projet d’emprunt présentés à la chambre. L’honorable ministre des finances est un homme circonspect et sincère. Il est l’héritier d’une situation dans laquelle sa responsabilité personnelle n’a point été engagée. Il fait connaître les choses telles qu’elles sont, dans l’état où il les a trouvées, et il pourvoit à des besoins créés par une politique à laquelle il n’avait point participé. M. Magne a écarté les chimères que, même dans l’administration financière, on voulait faire briller devant lui : on avait beaucoup parlé de cette idée d’un emprunt en 4 1/2 suggérée par le directeur de la caisse des dépôts et consignations, M. H. Guillemot, financier expérimenté sans contredit, ancien coadjuteur de M. Humann, mais qui s’abandonne trop aujourd’hui au dilettantisme capricieux d’un connaisseur et d’un amateur. M. Magne fait son emprunt en 3 pour 100, et a dans cette opération toutes les perspectives