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presse qui a eu la triste manie de se montrer plus prussienne et plus italienne que française, elle est revenue, après Sadowa, devant le pays confuse, les mains vides. Au commencement de ces affaires, une escadre française occupant la rade de Kiel et l’île d’Alsen aurait couvert de ridicule l’effort monstrueux de l’Allemagne contre le Danemark. A la fin, aujourd’hui, nous allons faire un emprunt de 462 millions pour l’augmentation de nos armemens de terre et de mer ? nous rassemblons notre garde mobile, et nous appelons un contingent de 100,000 hommes. Après cette leçon, la nation, pourrait-elle pardonner, aux journaux qui méconnaîtraient encore l’éclatante manifestation des intérêts de la France ?

Faisons donc, puisqu’au dehors nous sommes de loisir, faisons nos affaires intérieures. Deux journaux, le Figaro et la Situation, ont été signalés à la chambre par le procureur-général de la cour impériale de Paris comme ayant manqué au respect dû à la représentation nationale. La chambre, formée en comité secret, a autorisé les poursuites. Nous sommes fâchés pour la chambre qu’elle ait pris l’initiative des sévérités judiciaires contre les journaux. Puisque la majorité tient pour libérale la loi qu’elle vient de voter, ce n’était pas à elle de donner au pouvoir des exemples de rigueur. Nous avons l’espoir que la discussion éclairera les esprits ; nous savons que l’autorisation de ces poursuites n’a point été du goût des jeunes gens de la majorité, ouverts aux sentimens généreux de leur âge. La discussion de la loi sur le droit de réunion a été commencée par un excellent discours de M. Garnier-Pagès, qui a cité une bien belle lettre du prince de Joinville, écrite peu de mois avant la révolution de 1848. Il y a dans le projet de loi des précautions saugrenues. Pourquoi veut-on emprisonner les réunions dans des endroits clos et couverts ? Passe encore pour la clôture, mais nous ne comprenons pas comment la sécurité publique peut être compromise par l’absence de couverture. Quoi ! l’été, à la campagne, par un beau temps, un propriétaire ne pourra pas réunir dans son parc ses concitoyens, ses voisins, ses amis politiques, pour causer des affaires publiques sans que l’ordre soit en péril ! Il faudra s’entasser et s’échauffer dans une salle de concert comme une compagnie d’actionnaires ; la paix sociale l’exige ! Après cela, il va sans dire que le gouvernement ne reconnaît pas la faculté de réunion comme un droit naturel ; il s’en réserve la mesure dans le temps et dans l’espace. Ce n’est pas un droit constaté, ce n’est pas même un droit octroyé ; c’est un droit qui sera débité avec intermittence suivant le bon plaisir ministériel : c’est donc un droit qu’on nous laisse à conquérir. Ut olim vitiis, comme dit Tacite, sic nunc legibus laboramus.

La cherté des subsistances, la réunion des gardes mobiles, ont dans quelques départemens causé de légers troubles. Toulouse, Alby, Nantes, ont été le théâtre de ces légères émotions. Il ne faut ni négliger, ni exagérer ces agitations locales. Ce qui est grave, c’est que ces petites