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de six heures, une troupe d’énergumènes, armés de fouets de cordes, s’étaient précipités sur les femmes à mesure qu’elles franchissaient le seuil de l’église, et celles auxquelles ils s’étaient acharnés, ils ne les avaient laissées que sanglantes, demi-mortes, après leur avoir infligé les derniers affronts. De pareilles scènes s’étaient renouvelées en plusieurs lieux. La garde appelée au secours, en pareil cas, refusait de marcher ou n’arrivait que trop tard, seulement « pour contempler le désordre, jamais pour le réprimer. » L’autorité municipale ne paraissait aussi qu’après coup, et semblait, dans ses timides admonestations, « n’écarter les criminels que comme on congédierait des amis. » L’église constitutionnelle, en affectant d’isoler sa cause de celle de ses outrageux vengeurs, ne les flétrissait pas hautement et ne s’en séparait point par une réprobation éclatante.

Tout plein de ces scandales crians et le cœur gros de ces iniquités, Camille Jordan écrivit une sorte de pamphlet, signé le citoyen Simon, et qui avait titre la Loi et la Religion vengées des violences commises aux portes des églises catholiques de Lyon. Il dénonçait les attentats contre la loi, les violations de la liberté promise à tous les cultes et refusée à un seul.


« Mes yeux les ont vues, s’écriait-il, ces scènes de licence et de rage. J’ai vu à la porte de nos temples l’innocence insultée par le crime, la faiblesse maltraitée par la force et la pudeur violée par la brutalité. J’ai vu des citoyens paisibles tout à coup assaillis par une horde de brigands ; le sexe le plus intéressant et le plus faible devenu l’objet d’une persécution féroce, nos femmes et nos filles traînées dans les boues de nos rues, publiquement fouettées et horriblement outragées. O image qui ne s’effacera jamais de ma mémoire ! j’ai vu l’une d’entre elles baignée de pleurs, dépouillée de ses vêtemens, le corps renversé, la tête dans la fange. Des hommes de sang l’environnaient ; ils froissaient de leurs mains impures ses membres délicats, ils assouvissaient tour à tour le besoin de la débauche et celui de la férocité, ils abîmaient leur victime de douleur et de honte. L’infortunée ! j’apprends qu’elle expire à cette heure ; son dernier soupir est une prière pour ses bourreaux. Voilà ce que j’ai vu, citoyens, et j’ai vu plus encore : j’ai vu tant d’horreurs commises et non réprimées, le scandale à son comble et l’autorité dans le silence, le méchant enivré d’audace et puissant par l’impunité. Ah ! il n’est plus possible de dévorer en secret le sentiment de tant de crimes. Ah ! j’ai besoin de décharger mon cœur, et tous les cœurs honnêtes, du poids d’une si accablante douleur. L’indignation publique demande un organe public. La nature et l’humanité sollicitent à la fin une solennelle vengeance… »


Le ton, on le voit, est à la hauteur des circonstances : l’écrivain