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plants de café ; un autre Allemand, M. de Bulow, fit venir d’outremer les premiers colons ; enfin c’est encore un Allemand, M. Kurtze, qui dirige la construction du chemin de fer. Dans les autres républiques, plusieurs savans de la même nation, MM. Wagner, de Scherzer, de Sonnenstern, ont aussi beaucoup fait pour l’émancipation intellectuelle des habitans ; mais, dans le mouvement d’immigration et de voyages qui modifie peu à peu l’ancienne population créole, ce sont les Américains venus de New-York et de San-Francisco qui, même en changeant toujours de résidence, jouent le rôle prépondérant : ce sont les intermédiaires des échanges sur le littoral, les concessionnaires des routes et des jetées, les constructeurs des hôtels, les chercheurs de mines, les bailleurs de fonds pour tous les projets. Quelques Anglais sont aussi à la tête d’entreprises considérables, et c’est à eux qu’on doit surtout l’exploitation des importans lavages d’or de Chontalès, dans le Nicaragua, et le peuplement de ce district, où doit pénétrer prochainement le chemin de fer de M. Bedford Pym. Enfin un certain nombre de planteurs français ont perfectionné diverses cultures, et se sont ainsi rendus utiles à leur pays d’adoption : il existe notamment dans un gracieux vallon tributaire du lac de Nicaragua une magnifique hacienda plantée en cacaoyers pour le compte d’une maison française et dirigée par un homme qui donne aux propriétaires voisins un exemple salutaire d’ordre et d’intelligence agricole. En général cependant, les rares Français qui se montrent dans les républiques-de l’Amérique centrale ne sauraient guère prétendre au rôle de civilisateurs, M. Belly est très sévère à leur égard, et, les comparant aux Anglais et aux Américains, se sent obligé de constater la supériorité évidente de ces derniers. Quoique dans ces derniers temps quelques amis des esclavagistes vaincus de l’Amérique du Nord aient déclaré sans preuves que les Yankees sont des Européens physiquement dégénérés, M. Belly affirme que, dans toutes les foules où il a vu des Français en présence d’Américains, ceux-ci étaient incontestablement les supérieurs par la taille, la grâce et la beauté. « Rien n’est plus triste, au point de vue plastique, que nos groupes chétifs, irréguliers, sans noblesse d’attitude, comparés avec les groupes superbes de cette fière famille anglo-saxonne qu’on rencontre sur tous les océans. Il y a peut-être un peu de dureté dans ces masques dédaigneux ; mais quelle fermeté de plans, quelle blancheur de teint, quelle abondance de cheveux, quel éclat de vie surtout et quelle vigueur morale dans ces hautes statures ! Disons-le franchement, ils sentent qu’ils sont des hommes libres, et nous sentons que nous ne le sommes pas ! » Heureusement pour la France, l’affinité des langues assure à ses œuvres littéraires et