Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 74.djvu/501

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Grâce à leur climat heureux, à la merveilleuse fertilité de leur sol, à la profonde paix dont ils jouissent, et aux avantages que leur procure leur unique route de Puntarenas, les Costa-Ricains sont maintenant, toute proportion gardée, l’un des peuples les plus commerçans du monde. Sous le régime espagnol, le pays était extrêmement pauvre en dépit du nom que lui avaient donné les conquérans ; l’argent y était presque inconnu, et la monnaie usuelle consistait en grains de cacao. La proclamation de l’indépendance, la liberté politique, les progrès de l’instruction, le sentiment croissant de la dignité humaine, ont donné à la nation des habitudes de travail, et presque soudainement, pour ainsi dire, l’aisance, puis la richesse, ont succédé à la misère. Le commerce, à peu près nul en 1830, est maintenant aussi considérable par tête d’habitant que celui de la France elle-même. La récolte du café, qui, en 1833, ne dépassait pas 100 quintaux métriques, s’élève actuellement à 7 ou 8,000 tonnes par année, celle du sucre est de 30,000 à 40,000 tonnes ; les terres cultivées augmentent constamment de valeur, et chaque jour la zone des plantations empiète sur les savanes et sur la forêt vierge. La nation, assez riche pour subvenir sans emprunts à tous ses besoins, peut sous ce rapport servir d’exemple aux peuples civilisés, car son budget n’a point cessé d’être en équilibre, même quand elle dut faire appel à toutes ses ressources pour chasser Walker du Nicaragua. L’armée, composée d’environ 200 hommes qui gardent la frontière, est prise dans la milice des citoyens et ne coûte presque rien à l’état ; le gouvernement n’a point de dettes, ni flottante, ni consolidée, et tous les ans il peut appliquer à l’instruction et aux travaux publics la somme de 1,250,000 francs, très considérable relativement au petit nombre des habitans. Si telle est déjà la prospérité de la république alors qu’elle est rattachée au reste du monde par une seule route commerciale, que ne peut-on espérer d’elle pour un avenir prochain, quand elle sera traversée par un chemin de mer interocéanique et deviendra l’un des grands points de rencontre entre les nations de la terre !

Le mouvement de l’émigration européenne, qui a contribué pour une si forte part à la puissance des États-Unis, ne pourra manquer d’avoir aussi une influence des plus heureuses sur les destinées du Costa-Rica et des autres pays de l’Amérique centrale ; mais jusqu’à présent les expatriés de l’ancien monde ne se dirigent qu’en bien petit nombre vers les républiques de l’isthme. Ce n’est point le sol qui fait défaut ; le Honduras et le Nicaragua surtout possèdent des millions et des millions d’hectares de terres situées sous un climat des plus salubres, abondamment arrosées par des eaux courantes, fiches en mines et en produits naturels, et rendant au centuple la