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français, M. Gabriel Lafond, une vaste étendue de 144 lieues carrées, avec « fleuves, rivières, lacs, montagnes et mines, » à la condition qu’il ouvrirait de mer à mer une route carrossable ou même une voie ferrée ; mais le manque des capitaux nécessaires empêcha la réalisation des espérances conçues par les Costa-Ricains. L’admirable baie du Pacifique, appelée Golfo-Dulce, et, du côté de l’Atlantique, la baie non moins belle de Chiriqui, où des flottes entières vogueraient à l’aise, restent encore séparées par des forêts et des montagnes connues des seuls Indiens. De temps en temps on parle bien sur le marché de New-York de compagnies diverses qui seraient en instance pour obtenir la concession du chemin à tracer entre les deux baies ; mais on se demande s’il ne faut pas voir dans ces rumeurs de simples spéculations de bourse faites pour inquiéter les propriétaires de la ligne de Panama, qui possède maintenant le monopole du transit.

Il est désormais à peu près certain que le premier chemin de fer interocéanique du Costa-Rica traversera la contrée de l’est à l’ouest, en passant par les plateaux cultivés et populeux de Cartago et de San-José ; du reste, il n’aura guère qu’à suivre, en se développant seulement par de plus longs lacets, la route de chars, à peu près terminée, qui réunit les deux côtes. Dès que cette route, achevée depuis quinze ans sur le versant du Pacifique, aura traversé les derniers ravins et les marécages qui la séparent encore du rivage de l’Atlantique, on pourra facilement se rendre en deux jours d’une mer à l’autre sur une voiture légère, et dans six jours les marchandises les plus lourdes seront transportées de la côte orientale à la côte occidentale par-dessus un plateau de plus de 1,600 mètres d’altitude. Certes c’est un beau triomphe pour la petite république du Costa-Rica d’avoir pu faire construire à travers les forêts vierges et sur les pentes rapides des montagnes une route hardiment tracée qui ressemble à celles de nos Alpes, et les habitans du pays ont d’autant plus le droit d’en être fiers qu’ils la doivent uniquement à leurs propres efforts et n’ont pas emprunté à l’étranger un seul dollar pour cette entreprise. Quant au futur chemin de fer, c’est aux capitalistes de l’Amérique du Nord que le Costa-Rica demande les 60 millions de francs jugés nécessaires à l’œuvre, et c’est à New-York que s’est établie la compagnie concessionnaire, dont le célèbre explorateur John Fremont est l’un des principaux membres.

Suivant le projet de M. Kurtze, ingénieur en chef du Costa-Rica, la nouvelle voie ferrée partirait des quais de Limon, bon petit port de l’Atlantique où les navires trouvent jusqu’à 12 mètres d’eau et que protège contre les vents du nord un long banc de corail, s’élèverait ensuite vers le plateau de Cartago par la vallée de la