Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 74.djvu/489

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

facile de tracer le premier canal à écluses à travers le seuil qui sépare les deux grands bassins maritimes du globe.

De nos jours, on le sait, les chemins de fer, qui déjà se sont à peu près emparés du monopole pour le transport des voyageurs, ne sont pas moins utiles que les canaux pour l’expédition des marchandises, et même leur sont graduellement préférés par suite des avantages considérables que la vitesse et l’économie de temps offrent au commerce. Ce phénomène économique, dont il existe un si grand nombre d’exemples en Europe et aux États-Unis, ne pourrait manquer de se produire également sur le territoire de l’Amérique centrale ; aussi, dans presque tous les isthmes, a-t-on substitué des projets de voies ferrées à ceux des canaux de navigation. Ces chemins de fer, qui seraient d’ailleurs beaucoup moins coûteux à établir, seraient certainement plus utiles que les canaux pour mobiliser les populations et faciliter le peuplement des terres encore inoccupées. Sous ce rapport, les services qu’ils rendraient aux diverses républiques hispano-américaines seraient d’autant plus importans que les habitans de ces pays sont presque partout agglomérés dans les régions de l’isthme situées sur le versant du Pacifique, et communiquent difficilement avec les rivages de la mer des Antilles. Les conditions physiques et le climat le voulaient ainsi. Il est vrai que la plupart des grands volcans dévastateurs se dressent dans le voisinage de la mer du Sud ; mais c’est là aussi que se trouvent les hautes plaines, dont la température est douce et modérée, et dont le sol est facile à débarrasser de sa végétation première ; dans les vallées et les basses terres du versant opposé, de même que sur les bords des grandes rivières, coulant presque toutes vers l’Atlantique, les forêts vierges sont trop épaisses, les marécages sont trop nombreux, l’air est trop chargé de tiède humidité pour que les habitans aient pu se grouper en nombre considérable : les pluies y sont beaucoup plus fréquentes, et l’année n’y offre pas, comme sur la côte occidentale de l’isthme, cette alternance régulière de saison sèche et de saison humide, si favorable au bien-être des animaux et à la salubrité d’un pays. Les Indiens, qui peuplaient en multitude les plateaux de l’Anahuac, de Cundinamarca, de Quito, avaient également pris possession des plaines élevées du Guatemala, du Salvador, du Costa-Rica, pour en cultiver les campagnes, y fonder leurs villes et y développer leur civilisation naissante. Les conquérans espagnols n’eurent ensuite qu’à se substituer aux anciens propriétaires du sol, et leurs descendans, mêlés à ceux des Indiens, occupent encore les mêmes contrées ; ils n’ont agrandi que très faiblement leur domaine aux dépens des solitudes voisines. Jusqu’à la guerre de l’indépendance et même encore en 1855, les anciennes colonies espagnoles de l’Amérique centrale ne pouvaient