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leur usage, les appellations de leurs propres divinités à celles des divinités assyriennes auxquelles ils les assimilaient. Quelques-uns des noms nationaux s’étaient, il est vrai, conservés dans les traditions orientales, chez des sectes qui ont hérité de lambeaux des vieilles théogonies asiatiques ; mais ces noms, parfois défigurés, ont pris chez elles des significations nouvelles. On reconnaît par les épithètes des dieux des Assyriens que ce peuple, ainsi que toutes les autres nations polythéistes de l’antiquité, adorait les forces de la nature et les astres personnifiés. Les fragmens qui nous sont restés de la philosophie chaldéenne montrent sans doute qu’il y avait au fond de cette théologie abstruse une idée métaphysique, peut-être impliquait-elle la notion de l’unité divine ; mais les conceptions qui apparaissent dans les textes cunéiformes offrent un caractère plus matériel ; on y observe un fractionnement des attributs du créateur en une multitude de personnes divines qui rappellent beaucoup les dieux de l’Inde, de l’Égypte et de la Grèce.

Le grand dieu national des Assyriens était Assour, autrement dit le dieu bon, dont le nom entre dans celui de Sardanapale. il est invoqué comme « le roi de l’assemblée des grands dieux ; » il est pour les monarques de Ninive ce qu’Ammon est pour les pharaons : leur protecteur par excellence, l’être supérieur dont ils tiennent la vie, l’autorité et la victoire. La célèbre inscription de Sargon à Khorsabad énumère les riches offrandes que ce prince avait consacrées à Assour en actions de grâces. Chacun des douze dieux qui forment le premier cycle divin a ses fonctions spéciales. A plusieurs les Assyriens donnaient des épouses, déesses qui ont aussi leurs attributs particuliers. Anou, en qui l’on doit sans doute reconnaître l’Oannès mentionné par Bérose, règle les destinées ; il reçoit l’épithète d’impénétrable. Salman-Nisroch, roi du fluide, seigneur des mystères, préside au mariage. Samas, l’arbitre du ciel et de la terre, est le dieu du soleil. Sin est le dieu de la lune, du mois, le maître des sphères. Mérodach occupe un rang fort élevé ; il prend place comme dieu premier-né à côté d’Assour, et est appelé le sage, le maître des oracles. Sargon nous le représente comme le dieu qui, de concert avec Assour, lui a conféré la couronne ; Nabuchodonosor s’intitule. l’élu de Mérodach ; il lui adresse les plus ferventes, les plus humbles supplications dans un des monumens qu’il nous a laissés[1] ; Nébo est représenté comme le fils de ce dieu. Les textes le

  1. « Moi, je te bénis, ô seigneur, moi qui sois la créature de ta main. Ta m’as créé, tu m’as confié la royauté sur des légions d’hommes, comme c’est ta volonté, ô maître, qui as dompté leurs tribus. — Il a inspiré à mon cœur la crainte de lui-même et le respect de sa divinité. Il a dirigé mon attention sur l’observation de ses peuples, et j’ai propagé le culte de sa souveraineté. » Inscription de la compagnie des Indes.