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que la Bible a anathématisé sa mémoire, parce qu’elle ne voit en lui que le destructeur de Jérusalem ; mais le fils de Nabopolassar a pu s’offrir sous les plus noires couleurs au peuple d’Israël, sans être pour cela un prince détestable. Les quarante-trois ans de son règne sont marqués par de gigantesques travaux qui portèrent Babylone à ce point de grandeur et de magnificence qui en fit au VIe siècle la première ville du monde. L’art babylonien arrivait à la même époque à un haut degré de splendeur, et pouvait se comparer à l’art qui avait, un demi-siècle auparavant, brillé d’un si vif éclat à Ninive sous Sardanapale V. Nabuchodonosor entoura Babylone d’un système double de six enceintes, dont l’immense développement permit à une nation tout entière de se considérer comme la population d’une seule ville. M. Oppert a pu sur les lieux rétablir la curieuse topographie de Babylone, qu’Aristote comparait plutôt à un pays environné d’une muraille qu’à une cité telle que les Grecs pouvaient se la représenter. L’enceinte extérieure, celle dont parle Hérodote, formait un carré de 120 stades de côté. Babylone était donc quatre fois et demie plus étendue que Londres. Ce mur, qui rappelle la muraille de la Chine, avait 90 coudées (47m, 28) de hauteur, 50 coudées de largeur. Il était flanqué de tours hautes de 200 coudées (105 mètres) et percé de 100 portes. Un fossé intérieur et un fossé extérieur le défendaient. Cyrus commença la démolition de cette gigantesque enceinte, dont la destruction complète ne fut opérée que par les rois perses Xercès et Artaxercès. L’Euphrate partageait en deux parties à peu près égales et de figure triangulaire, la vaste superficie enclose dans cette enveloppe nommée dans les inscriptions Imgoul-Bel[1]. La seconde enceinte, dite Nivit-Bel (la demeure de Bélus), avait un périmètre de 360 stades (68 kilomètres) ; elle était également pourvue de tours, genre de fortifications dont les bas-reliefs assyriens nous offrent de nombreuses représentations ; elles atteignaient une hauteur de 110 coudées (57m, 75). La largeur du rempart intérieur était suffisante pour que deux chars se pussent croiser sur la plate-forme qui le couronnait. L’aire entourée par la seconde muraille embrassait 290 kilomètres carrés. Elle laissait en dehors au midi le quartier de Borsippa, qui devint ainsi une ville distincte après la ruine du rempart extérieur. Tout l’intérieur de Nivit-Bel n’était pas occupé par des habitations ; de vastes espaces restaient livrés à la culture. Au centre de ces deux enceintes concentriques se trouvait la cité royale la ville proprement dite ; Hillah paraît en occuper l’emplacement, c’était la Babylone primitive, dont il est impossible d’évaluer l’étendue, aucun vestige du mur qui l’entourait n’ayant été

  1. C’est-à-dire que Bel-Dagon la protège !