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mais plus tard elles furent séparées durant un laps de temps prolongé, et ne se confondirent que pour quelques années. Bélésys prit le premier le titre de roi de Babylone, que conservèrent ses successeurs. Les rois de Ninive ne le portèrent plus désormais ; ils se contentèrent de la qualification de lieutenant des dieux à Babylone. Le règne de Sargon, qui se place vers l’an 710 avant notre ère, est marqué par cette réunion temporaire des deux empires qui fit passer la cité des Chaldéens sous le sceptre ninivite. Ce Sargon est un des monarques dont le déchiffrement des textes cunéiformes a tout à coup ressuscité l’histoire. Nous ne connaissions guère que son nom par un verset d’Isaïe, et l’isolement de cette citation avait même fait penser qu’il s’agissait d’un prince nommé autrement ailleurs, de Sennachérib. qui fut le fils de Sargon ou de Salmanasar (Salmanasar IV), qu’il avait détrôné. Le nom de Sargin, lu pour la première fois par M. de Longpérier dans les inscriptions du palais de Khorsabad, établit l’individualité du prince assyrien qu’avait mentionné le prophète. Défiguré par Ptolémée sous la forme Arkéanos, ce nom, dont l’orthographe exacte est Sarkayana, n’avait pu tout d’abord être retrouvé dans le canon des rois assyriens. Sargon, nous disent les textes de Khorsabad, a été l’auteur du magnifique palais dont les vestiges ont été retrouvés par M. Botta. Profitant de l’absence de Salmanasar IV, qui venait de porter un coup mortel à Samarie, il se fit couronner à Ninive et poursuivit l’œuvre de destruction de son prédécesseur ; il transporta dans sa capitale 27,200 Israélites. Il poussa ses conquêtes bien au-delà du royaume d’Israël, s’avança jusqu’en Phénicie, soumit l’île de Chypre, où a été retrouvée une stèle élevée par lui. Il enleva Babylone à Mérodach-Baladan, qui y régnait depuis douze années. Voilà ce que nous apprennent les épigraphes cunéiformes. Pour se faire une idée de l’importance de cette page restituée des annales d’Assyrie, il faut lire la grande inscription de Sargon à Khorsabad, dont MM. Oppert et J. Menant ont publié la traduction. Les exploits du conquérant y sont longuement racontés avec des détails précieux pour la géographie de l’Asie au XIIIe siècle avant notre ère.

Un autre monarque dont le nom était destiné à une grande célébrité et qui, plus heureux que Sémiramis, a vu les monumens ajouter encore à sa gloire, est Nabuchodonosor. J’ai dit plus haut sous quelle forme ce nom apparaît dans les tentes épigraphiques : on le lit sur des milliers de briques. L’empreinte de sa puissance se montre presque à chaque pas dans les ruines de la cité chaldéenne. Les anciens nous avaient parlé de ses victoires ; ils nous avaient dit qu’il battit à Circésium le pharaon Néchao, qu’il se rendit maître de Tyr après un siège de onze ans. La légende va jusqu’à le représenter comme ayant conquis l’Afrique et l’Espagne. Il est vrai