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nom, j’entends le monarque que l’histoire, d’après Ctésias, nous représente soutenant dans Ninive un siège de deux ans et se brûlant avec ses femmes et ses trésors. Le nom donné par les Grecs à ce roi est évidemment une corruption du nom d’Assour-idanna-palla (le dieu Assour a donné un fils), qu’ont porté plusieurs souverains assyriens, mais dans lequel devons-nous reconnaître le voluptueux monarque devenu le type de la mollesse ? M. Oppert est d’avis que c’est Sardanapale V, qui fut un grand prince et dont un Bas-relief découvert à Koyoundjik et transféré au musée du Louvre nous a conservé l’image. Il est figuré tuant un lion, exploit que l’inscription qui accompagne le bas-relief célèbre en termes pompeux, et cette circonstance, soit dit en passant, atteste une fois encore l’interprétation exacte du texte. Cependant ce n’est pas avec Sardanapale V que finit l’empire ninivite, et, si l’on se laissait guider par la seule considération que le Sardanapale de l’histoire doit être le dernier des rois de Ninive, il faudrait l’identifier avec un prince-nommé Assour-libhous, sur lequel les textes sont fort peu explicites. Du reste les auteurs anciens peuvent avoir fait quelque confusion entre des noms dont les sons barbares entraient difficilement dans leur oreille ; Ctésias était exposé aux mêmes erreurs qu’Hérodote, pourtant si exact d’ordinaire. M. Oppert nous a donné un exemple piquant des bévues que l’ignorance de la langue assyrienne a pu faire commettre aux Grecs. Suivant Clitarque, une inscription assyrienne qui se lisait à Tarse, en Cilicie, disait que Sardanapale, fils d’Anakyndaraxerès, avait bâti cette ville et Anchiale en un jour. Or les textes cunéiformes nous montrent que le groupe où Clitarque avait vu le nom du père de Sardanapale n’était autre qu’une phrase signifiant : Moi, auguste roi d’Assyrie (Anakou nadou sar Assour), qualification qui devait, d’après la teneur des proclamations royales, suivre le nom de Sardanapale. Le mot palla, qui dans ce nom (Assour-idanna-palla) a le sens de fils, fut certainement l’origine de cette plaisante méprise.

Si les textes cunéiformes n’éclairent ni l’histoire de Sémiramis ni celle du Sardanapale mentionné par les Grecs, en revanche ils nous font connaître un grand nombre de monarques de Ninive et de Babylone, les uns sur lesquels la Bible ne nous avait dit que quelques mots, les autres qui étaient demeurés totalement inconnus. Citons Sardanapale III, qui a rebâti le grand palais de Nimroud (Calach), étendu l’empire assyrien bien au-delà de ses anciennes frontières, et possédé, dit une inscription, les terres depuis les rives du Tigre jusqu’au Liban ; Salmanasar III ; son fils, qui ouvre la série des monarques portant des noms consignés dans la Bible ; Samashou, dont une stèle a été trouvée dans l’édifice sud-est de Nina-roud. Tous ces rois réunirent les couronnes de Ninive et de Babylone ;