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Athènes et les consuls à Rome, le privilège d’imposer leur nom à l’année. Il existe un autre monument du même règne, que nous ne possédons pas en Europe, mais dont l’inscription a été rapportée par MM. Loftus et Jones Taylor : c’est un bas-relief représentant Téglath-Phalasar Ier qui se trouve à Debeheb-Sou, en Arménie, à l’une des sources du Tigre. Il est accompagné de deux autres portraits, qui nous apprend une inscription de Sardanapale III déchiffrée par M. Oppert, sont les images de ce souverain et de son père Téglath-Phalasar III ; ces princes les avaient fait sculpter à côté de celle de leur prédécesseur. Quand les voyageurs anglais découvrirent ces bas-reliefs, ils ignoraient la traduction que M. Oppert avait donnée du texte de Sardanapale III, traduction dont l’exactitude a reçu par cette découverte une éclatante justification.

A mesure que l’on se rapproche de la dernière époque de l’empire de Ninive, les monumens deviennent moins rares, les élémens qui permettront plus tard de fixer la chronologie plus abondans. Je suis forcé de passer ici sous silence ce que les inscriptions nous disent des monarques qui régnèrent avant Sémiramis. On aurait pu s’attendre à ce que les textes assyriens viendraient éclairer la vie si obscure et si contestée de cette grande reine que la tragédie encore plus que l’histoire a rendue parmi nous célèbre[1]. Il n’en est rien pourtant ; aucun monument épigraphique ne confirme ce qu’ont rapporté Hérodote et Ctésias. M. Oppert a reconnu simplement son nom dans celui d’une Sammouramat, épouse du roi Bélochus, quatrième du nom, dont la place dans l’ordre dynastique répond assez bien à l’époque où dut régner Sémiramis. Ce Bélochus IV avait sa capitale à Ninive ; il faudrait donc supposer que soit de son vivant soit après sa mort son épouse alla s’établir à Babylone, où elle ordonna de grands travaux que les textes assyriens feraient plutôt attribuer à Nabuchodonosor, car ce monarque est celui qui embellit surtout l’antique cité mésopotamienne ; il y déploya une magnificence qui en fit la merveille des merveilles. Au reste, si l’on se fie aux paroles prêtées par les inscriptions à Bélochus IV, il y aurait lieu de regarder ce monarque comme ayant été tout autant que Sémiramis digne de passer à la postérité. Dans le style emphatique et tout empreint de l’orgueil des despotes de l’Orient qui est celui de l’immense majorité de ces textes épigràphiques, Bélochus IV se qualifie de « roi puissant, roi du monde, qui a étendu la force de son bras de la grande mer du soleil levant jusqu’à la grande mer du soleil couchant, qui règne en maître des tribus. »

Sardanapale n’a pas été plus heureux que Sémiramis ; sous ce

  1. Je ne parle que de la seconde Sémiramis, la première, l’épouse prétendue de Ninus, ayant un caractère purement fabuleux.