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arménien Moyse de Khorène une liste de noms de rois assyriens forgés de cette manière. Toutefois cette généalogie, si elle est purement mythique, peut au moins nous servir à établir la direction suivant laquelle s’est opérée l’émigration babylonienne, et nous montre qu’elle s’effectua du sud au nord.

Le mythologique Nemrod paraît personnifier une race que soumirent et exterminèrent en partie des conquérans aryens. Les descendans de ces Couschites, comme le firent dans l’Inde les populations dravidiennes à l’arrivée des Aryas, se réfugièrent dans les montagnes. Ils y menèrent une existence misérable, vivant de chasse et de déprédations. Les nouveaux envahisseurs les regardèrent comme une race rebelle que le ciel avait maudite. C’est ce qui s’est produit en Asie pour presque toutes les peuplades indigènes. Le nom de Couschites subsista altéré dans celui de Cosséens, donné par les Grecs à une population des montagnes du nord de la Susiane qui désolait le pays par son brigandage. Les anciens ont appelé Mèdes les conquérans aryens, qui venaient probablement de la Bactriane. Leur domination dura deux siècles environ. Celle d’une race touranienne la remplaça. Peut-être ces Touraniens ou Touryas étaient-ils déjà établis dans une partie de l’Assyrie quand les Mèdes-Aryens s’en emparèrent, et ne firent-ils que reprendre leur indépendance en absorbant ou en expulsant leurs oppresseurs. On pourrait l’induire du nom que leur appliquaient les Perses ou Iraniens, avec lesquels ils demeurèrent en hostilité permanente : le nom est Uvaja qui signifie autochthones ; il a donné naissance à celui d’Ouxioi que les géographes anciens ont attribué à leurs descendans, et à la dénomination plus moderne de Chuzistan. Quant aux Hébreux, ils ont désigné les Touraniens sous ce nom d’Elam, d’où est dérivé celui d’Elymaïde, sous lequel les Grecs connaissaient le Laristan. Le nom que porte dans la Genèse un roi d’Élam contemporain d’Abraham, Chodorlaomer, a tout à fait une physionomie touranienne, et est une indication chronologique importante pour l’âge auquel remonte cette domination.

Quoique l’écriture cunéiforme ait été certainement inventée par les Touraniens, les textes que nous possédons ne nous reportent pas aussi haut. Les plus anciens princes qu’on trouve mentionnés appartiennent à la première dynastie chaldéenne, dont le siège principal était Erech, aujourd’hui Warka. L’autorité de ces monarques s’étendait sur plusieurs villes déjà populeuses, entre autres Niflar (Nipour), Sippara (Soufflera), que les textes épigraphiques nomment, comme Bérose, la ville du soleil, et dont la tradition faisait la résidence de Xisuthrus, le Noé chaldéen. Des populations antérieures aux Sémites, ces textes ne nous apprennent rien, si ce n’est qu’elles