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confia l’examen à une commission spéciale. L’épreuve fut pour les assyriologues un véritable triomphe, car les quatre versions se trouvèrent sensiblement concordantes.

Il y a de cela plus de dix années, et depuis ce moment bien des progrès ont été accomplis. Une certaine catégorie de textes a fourni des lumières inespérées. Parmi les tablettes découvertes à Ninive, M. Oppert en rencontra qui sont de véritables traités d’écriture. Ce que l’observation lui indiquait, l’inscription d’un de ces petits monumens le confirma : elle nous apprenait que ces tableaux de concordance avaient été dressés par ordre du roi Sardanapale V (de 660 à 647 avant Jésus-Christ) pour faciliter à ses sujets l’usage d’une écriture qui devait offrir de grandes difficultés même aux Assyriens. On voit sur ces tablettes d’argile des syllabaires disposés en trois colonnes ; celle du milieu contient le signe à expliquer, celle de gauche donne généralement la valeur syllabique exprimée à l’aide de caractère, simples, celle de droite fournit la valeur idéographique rendue par le mot assyrien correspondant. Sur d’autres tablettes, découvertes à Koyoundjik, on trouve l’explication des signes antiques par de plus simples qui en étaient des modifications ; enfin une tablette présente les images dessinées grossièrement à côté des dérivés cunéiformes. L’existence de semblables traités prouve que la connaissance du système graphique anaryen n’était pas le secret d’un petit nombre de prêtres et d’hiérogrammates. On trouve d’ailleurs les caractères cunéiformes sur tant d’édifices, de statues, de stèles, de cylindres, de briques, qu’il faut nécessairement supposer qu’ils s’adressaient à tout le monde, du moins à tous les gens instruits. En Chine, malgré la multiplicité des signes dont se compose l’écriture, la connaissance de la lecture est presque universelle. Rien ne s’oppose donc à ce qu’on admette, au moins pour les derniers siècles de l’empire assyrien, que l’écriture cunéiforme était connue des classes élevées, qu’un grand nombre de gens savaient la manier. Des tablettes découvertes à Warka, et où se lisent les noms de Démétrius et de Séleucus, prouvent que l’usage n’en était pas entièrement perdu sous les Séleucides. La langue assyrienne se conserva longtemps pure sous cette enveloppe graphique qui en immobilisait les formes, cela ressort du style d’inscriptions qui remontent à l’époque d’Artaxercès Mnémon ; mais peu à peu d’autres idiomes en prirent la place sans pourtant effacer tout à fait les vestiges des trois races qui se trouvaient en contact dans cette partie de l’Asie. Les Arabes, les Persans, les Turcs, continuent sur les bords, de l’Euphrate et du Tigre à être les représentans des trois nations auxquelles s’adressait Darius dans l’inscription du rocher de Bisputoun. Un idiome sémitique, un