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clarté. L’étude des formes grammaticales, si habilement poursuivie par M. Oppert, a levé les doutes. Toutes ces lettres que l’on nomme préfixes, et qui, unies au mot, en indiquent la relation avec ceux qui l’accompagnent, ou modifient le sens de la racine, se retrouvent identiques à ceux des autres idiomes de la même famille, dont M. Renan, dans son beau livre sur l’Histoire des langues sémitiques, a montré la remarquable unité de composition. Les formes de conjugaison sont aussi celles si caractéristiques de l’hébreu. La plupart des mots ont leurs correspondais dans un ou plusieurs idiomes de la souche commune, et quelques-uns de ceux qui paraissaient isolés dans une des langues sémitiques antérieurement connues rencontrent leur homologue en assyrien, de sorte que, ce qui semblait une anomalie disparaît, Ainsi le nom de nombre hébreu onze (ashthé-asar), dont l’étymologie avait donné tant de tablature aux hébraïsans, a trouvé une explication fort simple quand on a vu qu’ishthin voulait dire un en assyrien. Le mot hébreu signifie donc un et dix.

Si nous ne possédons pas la grammaire et le vocabulaire de l’assyrien, nous avons du moins le moyen de les reconstituer pièce à pièce. M. Oppert, son élève M. J. Menant, sont à l’œuvre, ainsi que plusieurs savans anglais et allemands. Les racines de l’assyrien sont en grande majorité sémitiques, mais on en rencontre aussi d’iraniennes. On peut dès aujourd’hui traduire presque tous les textes en s’aidant des indications fournies par le rapprochement des mots iraniens et des mots assyriens dans les inscriptions bilingues, puis des lumières que jette sur le sens de ces mots le vocabulaire des idiomes congénères. Les versions proposées sont généralement satisfaisantes et complètement d’accord avec les données que les auteurs anciens nous ont laissées sur l’Assyrie. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait encore bien des obscurités, et que les plus habiles ne se soient pas rendus involontairement coupables de fréquens contresens. La signification flottante d’une multitude de signes et de mots prête, il faut en convenir, facilement à l’arbitraire. Lorsque, par l’idée qu’on s’est faite de la phrase, on est entraîné à traduire d’une certaine façon, on a dans bien des cas les moyens d’imposer, bon gré mal gré, aux groupes la signification désirée ; le coup de pouce est parfois si tentant qu’il est malaisé de s’en défendre. La plus grande occasion d’erreurs est assurément la polyphonie. J’ai déjà indiqué ce que sir Henry Rawlinson entendait par là. Son hypothèse n’était pas admissible ; mais à côté de cette : polyphonie prétendue il y en a une autre dont l’existence en assyrien est incontestable et qui provient de l’origine étrangère du système cunéiforme, origine dont il faut maintenant parler.

Les signes idéographiques assyriens peuvent se lire