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interprétations. Sir Henry Rawlinson, s’apercevant que des noms propres étaient rendus dans le texte assyrien par des groupes divers et dont les prononciations n’avaient entre elles nul rapport, en conclut qu’un même signe variait de valeur phonétique, était susceptible de deux ou plusieurs prononciations. Prenant pour identiques des expressions différentes quant à la forme, il assimilait des signes n’ayant entre eux rien de commun. Voilà comment il fut conduit à sa doctrine de la polyphonie, qui rencontra bien des incrédules et jeta un moment le discrédit sur ses recherches. Pourtant la valeur des caractères qui donnaient pour un nom une autre forme que celle qui servait ailleurs à l’exprimer phonétiquement reposait sur des rapprochemens évidens. La difficulté paraissait inextricable, quand M. Oppert la leva en remarquant que, si l’une des transcriptions assyriennes de tel nom du texte iranien correspondant est phonétique, l’autre, celle qui, lue phonétiquement, s’éloigne davantage du thème iranien, doit être symbolique ou idéographique. En effet, de ces doubles noms, l’un reproduisait toujours assez exactement l’appellation persépolitaine et l’équivalent grec que l’histoire nous a souvent transmis, tandis que l’autre n’offrait avec cette appellation aucun rapport de son. Ainsi le nom de Babylone, en perse Babyrus, est écrit tantôt Bab-ilou, tantôt Dintirki. Le premier de ces mots devait être l’expression phonétique ; le second, qui n’a aucune ressemblance de son avec le nom de Babylone, devait répondre à une idée symbolique. La justesse de cette vue fut démontrée par l’analyse des idéogrammes et l’étude des signes symboliques en usage chez les Assyriens. Un exemple fera mieux comprendre la nature de ces symboles. Le nom de Nabuchodonosor, que le texte persépolitain de l’inscription de Bisoutoun nous a conservé sous la forme Nabucudracara, est rendu dans l’assyrien par un ensemble de signes dont la valeur vocale donne le mot Naboucoudourroussour. D’autres fois on trouve la forme perse exprimée par un groupe de caractères cunéiformes qui se lit phonétiquement Anpasadusis. Ce second mot, si éloigné par le son du nom de Nabuchodonosor, en est l’idéogramme. Pour l’expliquer, il faut savoir qu’en assyrien ce nom signifie le dieu Nabou (Nébo) protège ma famille. On retrouve là un de ces noms contenant toute une phrase, très communs dans les langues de l’Asie. Eh bien ! la traduction du mot Nabuchodonosor fournit précisément le sens du groupe symbolique qu’on lisait Anpasadusis. Le signe répondant à an est l’emblème dont est précéda tout nom de divinité ; le signe qui se lit pa est l’image défigurée d’un instrument agricole, la herse, emblème de la surveillance et l’un des attributs du dieu Nebo ; le monogramme sa rend idéographiquement la notion de famille dont la syllabe condouri est la traduction phonétique ; enfin le signe qui