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et dont elle garde à peu près le monopole. Sir Henry Rawlinson a ébauché les principes que M. Oppert a définis, coordonnés, éclaircis. C’est ce dernier qui a résolu les plus grandes difficultés, difficultés que son émule n’avait pu surmonter ; c’est lui qui le premier a traduit un texte assyrien sans le secours d’un texte iranien correspondant.

Les procédés qui avaient permis à Westergaard de reconstituer le syllabaire médo-scythique sont aussi ceux qui ont fait pénétrer dans le système graphique de la troisième espèce ; mais, pour réussir dans cette seconde entreprise, il a fallu les manier avec bien plus de délicatesse et de dextérité. Hincks constata le caractère syllabique de cette écriture. Au lieu d’un syllabaire de cent signes environ, tel que nous l’offrent les cunéiformes médo-scythiques, les cunéiformes assyriens ont fourni un ensemble de plusieurs centaines de signes dont la liste n’est pas encore complètement arrêtée. Un habile élève de M. Oppert, M. J. Menant, en dresse en ce moment le tableau. Les articulations sont rendues par un assemblage de traits en forme de coins ou de flèches ; chaque signe a sa valeur propre : point d’homophones, c’est-à-dire de signes différens répondant à un même son ; mais certains signes simples s’échangent avec d’autres signes composés, et représentent par conséquent la même valeur phonétique respective que la réunion de ces signes. Ainsi il y a des caractères assyriens répondant aux syllabes ba, bi, bu, ra, ri, ru ; d’autres pour rendre les sons.ar) ir, ur. Veut-on exprimer les sons bar, bir, bur, on écrit ba-ar, bi-ir, bu-ur, en réunissant deux caractères ; mais on trouve de plus des signes simples qui ont la valeur des syllabes bar, bir, bur.

L’écriture assyrienne, à l’instar de l’écriture médo-scythique, emploie concurremment avec des signes phonétiques des signes d’une valeur symbolique tantôt simples (monogrammes), tantôt composés (idéogrammes). La signification de ces caractères-images, véritables hiéroglyphes, est généralement donnée par les mots phonétiquement écrits auxquels ils sont souvent substitués dans des phrases identiques ou parallèles ; mais on est loin d’être arrivé à déterminer le sens de tous ceux qui se sont rencontrés. Une pareille difficulté s’est longtemps attachée aux symboles dont l’écriture sacrée des Égyptiens fit un usage tout analogue à celui que nous offrent les textes assyriens ; ces images hiéroglyphiques ayant aussi un sens phonétique, il est parfois malaisé de discerner cruelle acception on doit choisir, celle qui est attachée au symbole, ou celle qui est attachée au son. Les symboles cunéiformes comportent également une double valeur ; l’ignorance où l’on fut d’abord de ce fait créa de grandes obscurités et amena de fausses