Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 74.djvu/455

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mille détails de la vie des habitans de Babylone et de Ninive, les philologues pénétraient dans l’intelligence du système graphique de ces peuples, éclaircissant ce que l’inspection attentive des représentations ne suffisait pas à faire comprendre. Que de patiente et de sagacité il leur a fallu ! L’exemple de Champollion était là sans doute pour leur inspirer l’espoir de la réussite ; mais les difficultés qu’ils avaient à vaincre étaient plus grandes, les secours moins nombreux. Je veux essayer d’exposer comment ils sont arrivés enfin à percer le mystère des inscriptions cunéiformes, et, après avoir indiqué par quelle voie ils ont atteint le but, j’extrairai de leurs traductions ce qui est le plus propre à nous donner une idée des peuples qui firent usage d’une pareille écriture. Nous verrons ce que les textes si habilement déchiffrés nous apprennent des annales, de la religion et des travaux des antiques Assyriens.


I

C’est à l’aide d’un texte en deux langues, ou, comme disent les érudits, bilingue, qu’on a pu reconstituer les élémens du système hiéroglyphique. La partie grecque de la pierre de Rosette permit à Champollion de fixer la valeur d’un grand nombre de signes ; elle est ainsi devenue le fondement de sa merveilleuse découverte. Des textes doubles ont également servi de base au déchiffrement des inscriptions assyriennes ; mais, au lieu de n’avoir affaire qu’à une inscription écrite en grec et dont l’intelligence ne soulevait presque aucune difficulté, les assyriologues ont dû pénétrer le sens d’un texte écrit en ancien perse, avec des caractères dont le rôle était originairement aussi inconnu que celui des signes qu’ils servirent plus tard à déterminer. Un premier déchiffrement a été indispensable, et on ne l’a opéré qu’après de grands efforts et force tâtonnemens. Le point de départ des assyriologues était moins sûr, moins arrêté que celui de Champollion, sans compter que sur l’Égypte les auteurs grecs et latins. fournissent bien plus d’informations que sur la contrée arrosée par le Tigre et l’Euphrate. Toutefois, si dans l’état présent des connaissances l’interprétation des cunéiformes assyriens est beaucoup moins avancée que celle des hiéroglyphes, la cause n’en est plus dans la difficulté des recherches : le retard tient uniquement à ce qu’il y a moins de temps qu’elles sont commencées. Encore quelques années, et l’on pourra se mouvoir avec la même facilité dans l’écriture et la langue de Ninive et de Babylone que dans celle de Memphis et de Thèbes. Les moyens de vérification viennent chaque jour confirmer les résultats des premiers essais.