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Telle a été la marche de l’esprit religieux ; voici maintenant les résultats qui, dans la civilisation, y correspondent. A la diminution de foi dans le XVIe siècle répond une tolérance de principe, sinon de fait : Elisabeth fait monter les dissidens sur l’échafaud, mais en donnant pour prétexte la tranquillité publique et le bien de l’état. Les concessions faites au sens privé provoquent dès lors le mouvement des esprits. La littérature et la philosophie avancent à vue d’œil vers la maturité. Shakspeare et Bacon font à l’Angleterre une couronne de gloire. Cent années s’écoulent ; ce n’est plus la foi individuelle qui est affranchie, c’est la raison. Elle accepte la Bible, mais par une espèce de contrat qui lie également l’élément divin et la pensée humaine, et les rend inséparables. De là Milton chrétien et cependant suspect d’arianisme dans son Paradis perdu ; de là Newton, qui découvrit l’attraction et fut un homme pieux, mais socinien ; de là aussi Locke, novateur en philosophie et malgré sa ferveur unitarien dans sa croyance ; de là enfin la Société royale des sciences, la forteresse de l’esprit nouveau, la citadelle des partisans des modernes contre les partisans des anciens dans une querelle aussi retentissante chez nous que chez nos voisins. Cent ans encore, et le contrat entre la Bible et la raison humaine semble tout près d’être déchiré. La pensée, épargnant l’église établie, qui ne se défend plus qu’à titre d’institution utile, la laisse à elle-même dans ses conflits avec les églises dissidentes, et en particulier avec Wesley et ses disciples, ces puritains de la seconde époque. Elle renferme en un cercle restreint de philosophes soit les déductions sceptiques de Hume, soit l’érudition incrédule de Gibbon ; mais elle se répand, se multiplie, se popularisé dans la littérature de la reine Anne, dans les journaux, dans les clubs pour la discussion, dans les sociétés de lecture. A mesure que savoir devenait plus facile, croire devenait aussi plus rare. Divers événemens vinrent à la fin du siècle rétablir la balancé. Aujourd’hui le scepticisme anglais, après s’être arrêté durant cinquante années que Buckle appelle une période de réaction, se remet en marche. Quelle est sa tendance ? Autant qu’on en peut juger par les faits du passé comme par les indices du présent, il laissera l’église établie à sa destinée, comme il faisait au siècle dernier, mais avec cette différence qu’il ne la regarde plus comme utile, et il marchera vers l’avenir, étendant de proche en proche le domaine où il croit reconnaître des lois naturelles, ignorant toute autre loi, et, puisqu’il s’agit ici d’influence religieuse, essayant de mettre partout des notions positives, parce que la religion en mettait partout de surnaturelles.

Passant à l’influence du gouvernement, que l’auteur appelle du nom vraiment britannique de protectionnisme, voyons de quels