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pourtant c’est une vérité reconnue que la guerre inspire de plus en plus de dégoût et d’aversion aux peuples civilisés ; c’en est une mieux constatée encore qu’elle devient de jour en jour comme incompatible avec l’esprit anglais. Ce n’est pas tout : les classes militaires dans cette nation subissent la défaveur qui s’attache à la guerre elle-même ; une sorte de déchéance a commencé pour la carrière des armes, comme elle existait déjà et depuis plus longtemps pour la carrière de l’église. La vigueur et l’initiative des classes moyennes se portent vers de nouvelles sphères d’activité, vers l’industrie, vers la science et tout ce qui exerce les facultés de l’intelligence. Un père a-t-il un enfant heureusement doué, il le dirige vers les professions qui promettent à l’intelligence et à l’activité les plus riches récompenses. L’infériorité de son fils est-elle manifeste, le remède est sous la main : on en fait un soldat ou un clergyman ; il est expédié à l’armée ou mis à l’ombre dans l’église. Buckle insiste sur cette décadence de l’esprit militaire ; ce développement, tout pénétré de l’esprit radical, nous vaut une page sur, Wellington bien curieuse, venant d’un Anglais.


« Il est certain que le nom de Wellington ne doit pas être prononcé par un Anglais sans respect et sentiment de gratitude ; mais ce n’est qu’à ses grands services militaires que de tels sentimens sont dus. Quiconque a étudié l’histoire civile d’Angleterre durant le siècle présent sait fort bien que ce chef militaire, qui sur le champ de bataille était sans rival, et qui, disons-le à sa gloire, avait une probité entière d’intentions, une honnêteté inflexible, un rare sens moral, se montra cependant tout à fait au-dessous des exigences nombreuses de la vie politique. Il est notoire que, dans ses vues sur les questions législatives les plus importantes, il était toujours dans le faux. Il est notoire, et le témoignage en est écrit dans nos débats parlementaires, que toutes les grandes mesures qui ont été votées, tous les grands progrès, tous les grands pas faits dans la réforme, toutes les concessions accordées au vœu populaire, ont rencontré une énergique résistance dans le duc de Wellington, sont devenues des lois en dépit de son opposition, et après qu’il eut tristement déclaré que l’on exposerait ainsi l’Angleterre aux plus grands dangers. Cependant il n’y a pas aujourd’hui un écolier un peu précoce qui ne sache que la stabilité présente de notre condition politique est due à ces mêmes mesures. L’expérience, cette grande épreuve de la sagesse politique, a bien amplement prouvé que ces projets de réforme que le duc de Wellington a passé sa vie à combattre étaient, je ne dis pas utiles et prudens, mais nécessaires, indispensables. Cette politique qui consiste à résister à la volonté populaire, politique toujours conseillée par lui, est précisément celle qui a été suivie depuis le congrès de Vienne dans toutes les