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états-généraux, la papauté rendue française pour plus d’un siècle, le grand schisme d’Occident, les révolutions démocratiques de Paris, le rôle politique joué par l’Université, assurent à ce siècle une place distincte dans l’histoire des progrès de la France. Ce caractère imposa à M. Le Clerc une méthode un peu différente de celle qu’avaient suivie dora Rivet et M. Daunou. Son discours fut moins exclusivement littéraire ; il s’y préoccupa des hommes et des choses autant que des livres, il suppléa par l’étendue des vues d’ensemble à l’intérêt qui pourra manquer aux notices particulières dont se composeront les volumes suivans. Il résulta de là un vaste exposé plein de choses neuves et rares. Nous ne prétendons pas que ce grand ouvrage soit sans défauts : il porte certaines traces de fatigue ; M. Le Clerc le termina d’une plume déjà parfois appesantie par l’âge. La vieillesse, loin de nuire à la maturité de son jugement, l’avait perfectionné ; mais il lui était devenu difficile d’éviter quelque prolixité, quelques embarras de style. Tel qu’il est, le discours sur le XIVe siècle est un trésor de science historique, une des œuvres de critique les plus solides de notre temps.

M. Le Clerc débute par le tableau de l’état religieux et politique du monde. Il montre l’abaissement de la papauté, devenue l’otage de la France, la corruption de l’église, les tentatives avortées de réformes, les ordres religieux en leur plus grande décadence, les rivalités et les haines des dominicains et des franciscains. Plus de saints, plus de croisades, plus de mysticité ! L’église règne par la terreur ; elle s’arme d’un droit redoutable, établit des lois de procédure odieuse, pose en principe que dans les matières de foi être soupçonné, c’est être criminel. Elle se décime elle-même ; la rivalité des dominicains (les jésuites d’alors) et des franciscains (représentant la partie indisciplinée de l’église) ouvre un sanglant martyrologe où l’on voit un ordre religieux en poursuivre un autre avec presque autant de férocité que s’il s’agissait d’infidèles ; au milieu de tout cela, cette papauté d’Avignon, à la fois intelligente et immorale, libérale et simoniaque, légère et cruelle, — Bertrand de Got biffant sur les registres du Vatican les actes de Boniface VIII et fort embarrassé quand le roi Philippe le Bel demande les os de ce pape pour les brûler comme ceux d’un hérétique, — l’Italie réclamant à grands cris la papauté, qui allait se détacher d’elle, et qu’elle regagne pour son malheur. La clé de l’histoire de la papauté est en ce siècle décisif. La lutte des clémentins et des urbanistes est la page d’histoire la plus importante à étudier pour quiconque veut concevoir l’histoire de l’église latine sur un plan philosophique.

Le gouvernement civil, à l’ombre de cette grande et glorieuse