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aussi de sévères leçons ou de piquantes railleries. On se moque de leurs fragiles traités de paix, de leur confiance aveugle dans ceux qui les. flattent, de leurs terreurs devant les envoyés de Rome. Plusieurs de ces ouvrages, comme le poème de Jordan Fantosme sur la conquête de l’Irlande, le poème sur la mort de saint Thomas de Cantorbéry, composé par Garnier de Pont-Sainte-Maxence, remontent au XIIe siècle. D’autres sont relatifs aux luttes de la France et de l’Angleterre à partir de Philippe-Auguste. L’antipathie des deux royaumes s’y montre au naturel. Tantôt l’auteur est Anglais ; alors il entasse contre la France les railleries triviales, les reproches puérils, en ce français dégénéré qui se parlait au-delà de la Manche. Tantôt le trouvère tourne en dérision les prétentions du roi d’Angleterre et commet des fautes de français pour faire rire ses auditeurs aux dépens des Anglais. La satire sur la médiation de Louis IX entre Henri III et ses barons, le traité burlesque appelé la Chartre de la paix aux Anglais, la pièce intitulée le Privilège aux Bretons (vers 1234), sont des parodies politiques où l’ironie n’est pas sans finesse. Le prestige toujours grandissant du roi de France, les luttes des barons d’Angleterre contre leur royauté, la popularité des grands révoltés Foulques Fitz-Warin, Simon de Montfort, comte de Leicester, toutes les affaires des règnes décisifs de Jean sans Terre et de Henri III sont écrits là en traits vifs et profonds. Ce sont aussi des pièces historiques du plus haut intérêt que le Dit de vérité, touchante requête en vers de l’Université contre les puissans ennemis qui l’attaquaient auprès de Blanche de Castille et de saint Louis ; la Complainte et le Jeu de Pierre de la Broce, expression des sentimens : populaires sur la mort d’un ministre bourgeois sacrifié aux rancunes aristocratiques ; la Complainte de Jérusalem (vers 1223), cri éloquent d’une âme chrétienne, ardente pour la croisade, mais animée contre le clergé et la cour de Rome de la haine la plus violente, comparant les prélats au traître Ganelon, appelant de ses vœux un Charles Martel assez fort à la fois pour se mettre à la tête des croisés et pour réformer le clergé.

Rien ne rebutait notre savant maître ; il ne s’épargnait aucun des travaux qu’il pouvait éviter aux autres. Pour dispenser désormais d’y revenir, il étudia avec autant de soin qu’il eût fait un grand poème « les fatrasies, » joyeusetés et poésies burlesques de tout genre que le moyen : âge nous a laissées. « Tout est pur pour les purs, » dit l’Écriture ; on peut dire aussi que tout est sérieux pour l’homme sérieux. Au milieu des amphigouris, coq-à-l’âne, jeux de rimes, grimoires, parodies des offices et vies de saints, M. Le Clerc trouvâtes origines du Charlemagne héroï-comique, que