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de l’Ecosse, sur la foi de ce nom bizarre d’Université de France imaginé par Napoléon pour désigner son administration de l’instruction publique, que la vieille Université de Paris existait encore à quelques égards, et l’on s’était dit que toutes les universités de l’Europe ayant été fondées ad instar Parisiensis studii, le meilleur moyen de régler le différend était de s’informer des usages de Tuniversité-mère. Hélas ! les députés ne trouvèrent rien qui ressemblât à l’antique alma mater ; ils trouvèrent du moins un docte héritier des Du Boulay, des Crevier, qui sut résoudre leurs doutes. De sa mansarde, sous les hauts toits de la Sorbonne, M. Le Clerc semblait le dernier de ces maîtres laïques qui revendiquèrent au XIIIe siècle la liberté de travailler aux choses de l’esprit hors du cloître et de l’école épiscopale. C’étaient là ses ancêtres, et sa joie était grande quand il pouvait réparer quelques-unes des injustices de l’histoire envers ces pauvres et modestes fondateurs à qui nous devons tant.

Cela lui fut donné plus d’une fois. Grâce surtout à la connaissance qu’il avait du riche fonds des manuscrits de Sorbonne, qu’on peut appeler les archives des débats de l’Université de Paris au XIIIe et au XIVe siècle, il ajouta des traits de première importance à l’histoire de la lutte des mendians et de l’Université sous saint Louis. Guillaume de Saint-Amour, Gérard d’Abbeville, Godefroi des Fontaines, lui durent de sortir de l’obscurité où les avaient relégués le mauvais vouloir de leurs puissans rivaux et la timidité de leurs successeurs. Ses recherches approfondies l’amenèrent sur ce point à de précieuses découvertes ou à des rectifications équivalant à des découvertes. Le caractère sérieux, ferme, dur, presque terrible de cette grande école gallicane du XIIIe siècle sortit vivement de ses travaux. Il retrouva jusqu’aux chansons par lesquelles les étudians se vengeaient des intrigues de leurs ennemis et du mauvais vouloir de Blanche de Castille ; il montra avec exactitude le rôle de saint Thomas et de saint Bonaventure en ces querelles. Il fit bien plus encore. Le plus important, après Guillaume de Saint-Amour, de ces rudes lutteurs qui soutinrent sous saint Louis les droits de la pensée naissante, ce Sigier, que Dante place dans le paradis à côté d’Albert de Cologne et de Thomas d’Aquin, avait été tellement trahi par la renommée des siècles suivans, que le passage de la Divine Comédie qui le concerne passait pour une énigme. Avec une prodigieuse érudition aidée d’un jugement pénétrant, M. Le Clerc retrouva les titres de cette gloire oubliée, reconstruisit la biographie de Sigier, montra son rôle dans les écoles de la rue du Fouarre, retrouva ses écrits, reconnut l’esprit de son enseignement. Ce Sigier, qui, selon Dante, « syllogisa d’importunes