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scolastiques arides, des vers latins détestables, des sermons souvent ridicules. Exemple frappant d’une vie partagée entre deux objets poursuivis tous les deux avec la même passion ! A peine désigné par l’Académie, il se mit aux recherches avec ardeur. La commission apprécia bientôt du reste son collaborateur nouveau. Presque le lendemain de son admission, M. Daunou ayant résigné ses fonctions « d’éditeur, » c’est-à-dire de secrétaire de la rédaction, ce titre fut déféré à M. Le Clerc. L’Histoire littéraire fut dès lors son travail par excellence, son occupation de tous les instans, son œuvre, sa vie. Vers le même temps, M. Paulin Paris apportait à la commission sa profonde expérience des sources manuscrites, sa rare connaissance de nos vieux poèmes ; M. Fauriel, sa vive intelligence de la littérature populaire, le sentiment profond qu’il avait des origines, son goût pour les problèmes difficiles d’histoire littéraire ; M. Littré, son esprit philosophique et son immense savoir. Une ère nouvelle sembla s’ouvrir pour le recueil, et sûrement dom Rivet, reparaissant dans le docte cabinet où se conservent ses papiers et où se réunissent ses continuateurs, eût été satisfait de voir au bout d’un siècle son esprit si bien compris et son œuvre en si bonnes mains.

On venait de livrer au public le tome XIX, avec lequel on croyait avoir presque atteint la fin du XIIIe siècle. M. Daunou avait annoncé résolument que le tome XX serait le dernier consacré à ce grand siècle. Il avait compté sans le zèle de ses successeurs. D’énormes supplémens arrivèrent de toutes parts ; les annales littéraires de ce siècle mémorable ne finirent qu’avec le tome XXIIIe, et Dieu sait combien nos volumes futurs renfermeront encore d’additions et de rectifications. C’est que le XIIIe siècle est à beaucoup d’égards le XVIIe siècle du moyen âge. Comme le XVIIe siècle, il hérita d’une brillante époque antérieure, il vit la France exercer en Europe un ascendant universel ; sur sa fin, il inclina vers la décadence. Comme le XVIIe siècle aussi, le XIIIe siècle eut une conscience historique très claire, et légua une image très ferme de lui-même à la postérité. Certes au XIIIe siècle il est permis de préférer le XIIe. Le XIIe siècle fut vraiment le grand siècle créateur du moyen âge, le moment d’épanouissement du génie français. Le temps de Louis le Jeune, de Suger, de Philippe-Auguste, est bien plus éveillé que celui de saint Louis. Alors naissent la scolastique, l’architecture gothique, les grands poèmes de geste, l’Université de Paris, la vraie France avec sa claire notion de l’état laïque. L’administration de Suger et le règne de Philippe-Auguste sont le point culminant de la première gloire française, une image de ce que seront plus tard les règnes de Richelieu et de Louis XIV. Le XIIIe siècle