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Les tomes X, XI, XII, par dom Poncet, dom Clément, dom Clémencet, dom Colomb, parurent à d’assez longs intervalles de 1750 à 1763. Qu’on était loin de l’espérance naïve qui avait pu faire croire aux fondateurs de l’ouvrage qu’ils arriveraient jusqu’aux temps modernes ! La fin du tome XII atteignait l’an 1167 ; on n’avait pas encore pu y donner place à la notice sur saint Bernard. Le découragement prit alors les vénérables solitaires. Le siècle ne prenait nulle garde à eux. Voltaire avait tué toute érudition par son aimable bon sens, son adorable esprit, sa facile résignation à ne pas savoir ce qui demande peine et labeur. Les libraires accueillirent avec bonheur dom Clément le jour où il vint leur annoncer l’abandon de l’ouvrage qu’ils s’étaient engagés à imprimer. Cependant, comme les articles de saint Bernard et de Pierre le Vénérable étaient faits, on les publia (1773). Ce fut le dernier adieu des savans rédacteurs à un public qui ne voulait plus de leurs judicieuses recherches. Quarante ans s’écoulèrent avant que l’on songeât de nouveau en France à ce grand monument national. On n’y pensait guère qu’en Allemagne. En 1772, le savant Ernesti écrivait à Paris pour en réclamer la suite au nom de toute l’Europe lettrée.

La louable idée de reprendre nos grandes annales littéraires vint du gouvernement impérial. Un arrêté du 27 mai 1807 ordonna de continuer l’œuvre commencée par dom Rivet, et chargea de ce soin l’Institut de France, comme la seule compagnie permanente qui pût mettre l’ouvrage au-dessus des chances, d’interruption. La troisième classe de l’Institut, depuis Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, fut naturellement désignée pour le travail. Cette compagnie se trouva d’abord médiocrement préparée à l’ouvrage dont on la chargeait ; le treizième volume ne parut qu’en 1814. Un survivant de la congrégation de Saint-Maur que l’Académie possédait, dom Brial, fit peu de chose pour le recueil, occupé qu’il était de la collection des Historiens de la France. Le véritable restaurateur de l’œuvre à ce moment difficile, où il s’agissait de renouer les traditions, fut Daunou. L’esprit juste et clair de cet honnête homme, ses anciennes études ecclésiastiques, l’indépendance de son jugement, faisaient de lui le vrai continuateur laïque de l’œuvre bénédictine. Il est permis de dire cependant que le travail n’atteignit pas entre ses mains toute la perfection dont il était susceptible. Ce fut M. Le Clerc qui y porta définitivement la précision et la richesse de la grande érudition. Après dom Rivet, il fut le plus laborieux, le plus dévoué, le plus savant collaborateur qu’ait eu l’Histoire littéraire.

Au premier coup d’œil, rien ne semblait le désigner pour ce travail. Jusque-là les littératures anciennes, surtout la littérature